Sommaire
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis ont exercé une domination quasi absolue sur la scène internationale, incarnant un modèle unipolaire, où leur puissance économique, militaire et culturelle dictait les règles du jeu, désormais remplacé progressivement par un monde multipolaire.
Pourtant, les dernières décennies et événements récents, ont montré que cette hégémonie américaine est en déclin.
La montée en puissance de nouvelles grandes puissances comme la Chine et le retour d’acteurs majeurs comme la Russie marquent l’avènement d’un monde multipolaire.
La guerre en Ukraine, les tensions sino-américaines et le rôle de plus en plus complexe de l’Europe, sous influence américaine, ont contribué à l’érosion de l’ordre international dirigé par les États-Unis.
Cet article examine comment ce déclin progressif se manifeste, en analysant les causes et conséquences de ce basculement vers un monde où plusieurs centres de pouvoir coexistent.
1. L’émergence d’un monde multipolaire : contexte géopolitique depuis 2022
1.1. La guerre en Ukraine et son impact sur l’équilibre des puissances
L’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022 a marqué un tournant décisif dans l’histoire récente des relations internationales. Non seulement elle a révélé l’incapacité des États-Unis et de l’OTAN à empêcher la guerre, mais elle a également exposé les limites des sanctions économiques occidentales face à un acteur déterminé à réaffirmer son influence.
La Russie, malgré son isolement croissant sur la scène internationale, a su résister à l’impact des sanctions grâce à des alliances économiques alternatives, notamment avec la Chine et l’Inde.
Ces pays ont refusé de se joindre aux efforts occidentaux pour isoler la Russie, démontrant ainsi l’émergence de nouvelles dynamiques internationales. La résilience russe, alimentée par les revenus des exportations énergétiques et le soutien des pays non-alignés, a remis en cause l’efficacité des stratégies traditionnelles occidentales pour imposer leur volonté à travers la pression économique.
De plus, le conflit a révélé une fracture entre les pays occidentaux, qui soutiennent largement l’Ukraine, et une grande partie du monde qui reste neutre ou cherche à maintenir des relations pragmatiques avec la Russie. Cette dynamique reflète une forme de multipolarité où les pays comme la Turquie, l’Inde, et l’Afrique du Sud, refusent de suivre aveuglément les directives américaines, marquant ainsi une nouvelle phase dans l’équilibre des puissances mondiales.

1.2. Le repositionnement de la Russie sur la scène internationale
Pour la Russie, le conflit en Ukraine a représenté une tentative de reprendre pied sur la scène mondiale après des décennies de déclin relatif depuis la chute de l’Union soviétique. Sous la présidence de Vladimir Poutine, la Russie a cherché à contester l’ordre mondial dominé par l’Occident, en particulier après l’élargissement de l’OTAN vers l’est, qu’elle perçoit comme une menace directe à sa sécurité nationale.
La réponse russe à ces évolutions a été double. D’une part, elle a tenté de reconstituer son influence régionale en Europe de l’Est et en Asie centrale par le biais d’interventions militaires directes (comme en Géorgie et en Ukraine) et indirectes (par le soutien aux régimes alliés).
D’autre part, elle a approfondi ses liens avec des puissances non occidentales, notamment la Chine et l’Iran. Ces alliances pragmatiques, bien que motivées principalement par des intérêts partagés (rejet de l’hégémonie occidentale), ont permis à la Russie de rester un acteur incontournable dans un monde où la multipolarité est en plein essor.
2. L’hégémonie américaine mise en cause
2.1. Le rôle des États-Unis et de l’OTAN : limites de leur influence
Pendant des décennies, l’OTAN a servi de principal outil militaire et politique de la domination américaine sur l’Europe. Cependant, la guerre en Ukraine a révélé les limites de cette alliance face aux défis actuels. Bien que l’OTAN ait joué un rôle crucial en fournissant une aide militaire et logistique à l’Ukraine, il est rapidement devenu évident que ni les États-Unis ni leurs alliés n’étaient prêts à intervenir directement contre la Russie, par crainte d’une escalade qui pourrait mener à une guerre nucléaire.
Cette prudence a mis en lumière l’érosion du leadership américain dans le cadre d’un conflit international majeur. L’incapacité des États-Unis à contraindre leurs adversaires par la seule force économique ou militaire montre que le monde est désormais plus complexe et que d’autres acteurs ont leur mot à dire sur la scène internationale.
Les tensions croissantes avec la Chine et les relations ambivalentes avec des pays comme la Turquie ou l’Inde, qui refusent de suivre aveuglément la politique américaine, montrent que l’influence américaine n’est plus aussi dominante qu’elle l’était après la fin de la Guerre froide.
2.2. Le poids des sanctions économiques et la montée des puissances alternatives
Les sanctions économiques, autrefois un outil redoutablement efficace dans l’arsenal américain, semblent perdre de leur mordant dans un monde multipolaire.
Or, la guerre en Ukraine a montré que des pays comme la Russie peuvent non seulement résister aux sanctions occidentales, mais aussi en tirer profit en se tournant vers des marchés alternatifs, notamment en Asie et en Afrique.
Cette situation met en évidence la montée en puissance des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) en tant que contrepoids aux institutions dominées par l’Occident, telles que le FMI et la Banque mondiale.
Ces pays, représentant près de la moitié de la population mondiale, s’affirment de plus en plus comme une alternative crédible à l’ordre international centré sur les États-Unis. Par exemple, la Russie et la Chine ont récemment renforcé leur coopération économique et militaire, ce qui illustre la formation de nouveaux pôles de pouvoir capables de défier l’hégémonie américaine.

3. La montée en puissance de la Chine et la rivalité sino-américaine
3.1. Stratégies économiques et militaires chinoises pour contrer l’influence américaine
La montée de la Chine est peut-être le développement le plus significatif du XXIe siècle en termes de géopolitique mondiale. Depuis les réformes économiques de Deng Xiaoping, la Chine a connu une croissance économique spectaculaire, devenant la deuxième économie mondiale et un acteur majeur de la scène internationale.
Cette montée en puissance s’accompagne d’une stratégie visant à réduire la dépendance vis-à-vis de l’Occident, notamment par le biais des Nouvelles Routes de la Soie, un projet massif d’infrastructures qui relie la Chine à des marchés en Europe, en Afrique et en Asie.
Sur le plan militaire, la Chine a considérablement renforcé ses capacités, notamment en développant une flotte militaire puissante et en modernisant son armée.
La montée en puissance de la Chine dans la région Asie-Pacifique, en particulier ses revendications territoriales en mer de Chine méridionale, a généré des tensions avec les États-Unis, qui tentent de maintenir leur influence dans la région en renforçant leurs alliances avec le Japon, l’Australie et d’autres nations.
3.2. Impact des tensions commerciales, technologiques et la question de Taïwan
La rivalité sino-américaine ne se limite pas à l’économie ou aux capacités militaires. Elle est également technologique, avec des tensions croissantes autour de la technologie 5G, des semi-conducteurs et des secteurs stratégiques.
Les États-Unis ont imposé des sanctions contre des entreprises chinoises, notamment Huawei, tout en cherchant à limiter l’accès de la Chine à des technologies de pointe.
Cependant, l’un des points les plus sensibles de cette rivalité reste Taïwan. Pékin considère Taïwan comme une province rebelle et n’a jamais renoncé à l’idée de la réunifier par la force. Les États-Unis, bien qu’ils n’aient pas reconnu officiellement l’indépendance de Taïwan, continuent de la soutenir militairement, ce qui crée une tension permanente dans la région.
Si un conflit éclatait autour de Taïwan, il pourrait avoir des répercussions majeures sur l’ordre mondial, menaçant de transformer cette rivalité sino-américaine en une confrontation directe.
4. L’Europe : entre dépendance et vassalisation sous influence américaine
4.1. L’absence de volonté d’indépendance stratégique et militaire à l’OTAN
Depuis de nombreuses années, l’Union européenne (UE) évoque la nécessité de développer une autonomie stratégique, c’est-à-dire la capacité à agir de manière indépendante sur la scène internationale, sans se reposer exclusivement sur ses alliés traditionnels, notamment les États-Unis.
Pourtant, les événements récents, et en particulier la guerre en Ukraine, ont mis en lumière l’absence d’une réelle volonté des dirigeants européens d’adopter une telle posture.
En réalité, l’UE demeure largement dépendante de Washington, tant sur le plan militaire qu’économique et énergétique, ce qui renforce sa subordination dans des domaines clés.
Rôle de l’OTAN
Depuis le début du conflit en Ukraine, les États-Unis ont joué un rôle crucial dans la coordination des efforts militaires des pays européens, notamment par l’envoi d’armes et le soutien logistique à l’Ukraine.
Si les pays européens ont eux-mêmes contribué financièrement et matériellement à ces efforts, c’est principalement sous la direction de Washington que ces opérations ont été menées. La gestion de la crise a révélé que les capacités militaires autonomes de l’UE, sans l’appui américain, restent limitées. L’OTAN, pilier de la défense européenne, renforce donc la dépendance stratégique de l’Europe aux États-Unis.
La dépendance énergétique vis-à-vis des États-Unis, symbolisée par l’importation de gaz de schiste, et la dépendance militaire à travers l’OTAN, sont des manifestations concrètes du manque d’ambition des dirigeants européens à véritablement repenser la place de l’Europe sur la scène internationale.
Ainsi, l’UE continue de se positionner comme un acteur sous l’influence américaine, incapable de développer une politique étrangère et de défense totalement indépendante.
4.2. Soutien économique à l’Ukraine : milliards versés sous influence américaine
Sur le plan économique, l’UE a également montré une dépendance envers les orientations américaines, en particulier dans son soutien financier à l’Ukraine. Les pays européens ont massivement contribué à l’aide apportée à Kyiv, suivant souvent l’exemple et les directives des États-Unis.
Des milliards versés à l’Ukraine
Depuis le début de la guerre, l’UE a mobilisé plusieurs dizaines de milliards d’euros pour soutenir l’effort de guerre ukrainien et pallier les conséquences économiques du conflit. Cette aide s’est traduite par des prêts, des dons, et des fonds pour la reconstruction du pays, un soutien qui est souvent perçu comme un alignement stratégique sur les positions américaines.
Ce financement massif pèse également sur les économies européennes, déjà fragilisées par l’inflation et les crises énergétiques.
Alignement sur les sanctions économiques
L’Europe a adopté une série de sanctions économiques contre la Russie, en coordination avec les États-Unis. Bien que ces sanctions visent à affaiblir l’économie russe et à pousser Moscou à reconsidérer ses actions en Ukraine, elles ont eu des répercussions négatives pour les économies européennes elles-mêmes.
La fermeture des marchés russes et la hausse des prix de l’énergie ont particulièrement affecté des secteurs industriels clés en Europe.

4.3. Dépendance énergétique : la perte de souveraineté face au gaz américain
L’une des conséquences les plus marquantes de la guerre en Ukraine a été la réorientation de la politique énergétique européenne. Historiquement, de nombreux pays européens, dont l’Allemagne, dépendaient largement des importations de gaz naturel russe, considéré comme une ressource bon marché et relativement fiable.
Cependant, sous la pression des sanctions et des tensions géopolitiques, l’UE a dû réduire drastiquement sa dépendance au gaz russe, se tournant vers d’autres fournisseurs, notamment les États-Unis.
Importation de gaz de schiste américain
En réaction à la crise énergétique, les pays européens ont commencé à importer des quantités importantes de gaz naturel liquéfié (GNL) des États-Unis, notamment du gaz de schiste. Cette décision s’est avérée problématique à plusieurs niveaux.
- D’une part, le gaz de schiste est beaucoup plus coûteux que le gaz russe acheminé par pipeline.
- En plus d’être moins compétitif économiquement, il est également critiqué pour son impact environnemental, en raison des techniques d’extraction telles que la fracturation hydraulique, qui sont controversées pour leurs effets négatifs sur l’écosystème.
Conséquences économiques
L’achat de gaz américain à des prix élevés a aggravé les crises énergétiques en Europe, augmentant les coûts pour les consommateurs et les industries. L’UE, qui s’était initialement engagée à réduire sa dépendance aux énergies fossiles, se trouve contrainte d’acheter du gaz de schiste à un coût environnemental et financier considérable.
Cette situation illustre la perte de souveraineté énergétique de l’Europe, désormais dans l’obligation de se tourner vers des alternatives peu écologiques pour combler ses besoins énergétiques.
L’ensemble de ces éléments montre que, malgré les discours récurrents sur l’autonomie stratégique européenne, les dirigeants de l’UE n’ont pas encore pris les mesures nécessaires pour assurer une véritable indépendance, qu’elle soit militaire, économique ou énergétique.
L’influence américaine reste omniprésente, et les décisions stratégiques majeures de l’UE, notamment en réponse à la guerre en Ukraine, témoignent d’un alignement constant avec les intérêts de Washington.
En continuant à s’appuyer sur les États-Unis pour sa sécurité et en achetant du gaz américain coûteux et polluant, l’UE freine ses propres ambitions d’autonomie.

5. Les alliances alternatives : BRICS et autres coalitions émergentes
5.1. L’alliance sino-russe et son rôle dans la redéfinition de l’ordre mondial
L’alliance entre la Russie et la Chine, bien qu’elle soit principalement fondée sur des intérêts stratégiques communs, joue un rôle central dans la remise en question de l’ordre mondial dominé par l’Occident.
Les deux pays partagent un objectif commun : affaiblir l’influence des États-Unis et établir un monde où plusieurs centres de pouvoir coexisteraient.
Cette coopération sino-russe s’est intensifiée au fil des années, notamment en réponse aux sanctions occidentales contre la Russie et aux tensions croissantes entre la Chine et les États-Unis.
Leur collaboration couvre de nombreux domaines, allant de la coopération militaire à des projets énergétiques stratégiques comme le gazoduc « Force de Sibérie », qui relie la Russie à la Chine.
5.2. Expansion des BRICS : un contrepoids à l’influence occidentale
Les BRICS représentent une autre forme d’alliance alternative qui se développe rapidement. Ce groupe de pays émergents, qui inclut le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, représente une part importante de la population mondiale et du PIB global. L’expansion des BRICS, avec des projets tels que la création de la Nouvelle Banque de Développement, vise à réduire la dépendance vis-à-vis des institutions financières occidentales comme le FMI et la Banque mondiale.
En renforçant leurs liens économiques et politiques, les BRICS cherchent à créer une alternative crédible à l’ordre mondial actuel, dominé par l’Occident. Ces pays bénéficient de relations commerciales croissantes entre eux, et ils jouent un rôle clé dans la redéfinition des échanges mondiaux.
6. Conséquences du déclin de l’hégémonie américaine : un monde multipolaire
Le passage d’un monde unipolaire, dominé par les États-Unis, à un monde multipolaire a des conséquences majeures qui se manifestent à plusieurs niveaux. La perte d’influence américaine, bien qu’encore relative, se traduit par des évolutions stratégiques, économiques et militaires qui bouleversent l’équilibre global.
6.1. Conséquences stratégiques : fragmentation des alliances et recomposition des blocs
La première conséquence stratégique du déclin américain réside dans la fragmentation des alliances traditionnelles et la recomposition des blocs de pouvoir. Historiquement, les États-Unis ont pu compter sur des alliances solides, que ce soit au sein de l’OTAN en Europe ou dans le cadre de partenariats bilatéraux en Asie et au Moyen-Orient. Cependant, avec l’affaiblissement de leur leadership, plusieurs de ces alliances sont mises à l’épreuve.
L’OTAN
La guerre en Ukraine a renforcé l’unité de l’OTAN en termes de défense commune, mais elle a également révélé les limites de cette alliance. Bien que les pays européens continuent de se ranger derrière les États-Unis, certains membres, comme la Turquie ou la Hongrie, adoptent des positions plus autonomes. La Turquie, par exemple, a joué un rôle ambigu en fournissant des drones à l’Ukraine tout en maintenant ses relations avec la Russie, notamment pour des raisons économiques et énergétiques.
Le Moyen-Orient
Le Moyen-Orient est une autre région où les alliances traditionnelles sont en mutation. Les relations entre les États-Unis et leurs partenaires de longue date, comme l’Arabie saoudite, sont devenues plus complexes. Riyad, par exemple, a récemment développé des liens économiques et militaires avec la Chine et la Russie, dans un contexte où Washington se concentre de plus en plus sur l’Asie-Pacifique.
L’Asie-Pacifique
Dans la région Asie-Pacifique, les États-Unis cherchent à contenir la montée en puissance de la Chine. Cela se traduit par le renforcement des alliances avec le Japon, l’Australie, et l’Inde, notamment à travers des mécanismes comme le Quad (Dialogue de sécurité quadrilatéral). Cependant, certains pays asiatiques, comme l’Inde, jouent un jeu plus nuancé en collaborant avec la Russie et en évitant de s’aligner systématiquement sur les positions américaines.
Cette fragmentation et recomposition des alliances illustrent bien le caractère multipolaire du monde actuel. Les pays cherchent à diversifier leurs partenariats et à ne plus dépendre exclusivement des États-Unis pour garantir leur sécurité ou leur prospérité.
6.2. Conséquences économiques : réorganisation des échanges et du leadership mondial
Sur le plan économique, le déclin de l’hégémonie américaine et l’émergence de nouvelles puissances comme la Chine et l’Inde transforment les flux commerciaux et redéfinissent le leadership mondial.
Réorganisation des flux commerciaux
Les sanctions économiques imposées à la Russie à la suite de la guerre en Ukraine ont accéléré un phénomène de fragmentation des échanges mondiaux. En réponse aux sanctions occidentales, la Russie a réorienté ses exportations énergétiques vers l’Asie, en particulier vers la Chine et l’Inde, qui sont devenues des partenaires commerciaux clés. Ces pays ont saisi l’occasion d’importer du pétrole et du gaz à prix réduit, profitant de l’isolement relatif de la Russie.
Renforcement des BRICS
L’alliance des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) joue un rôle croissant dans la réorganisation de l’économie mondiale. Ces pays, qui représentent une part significative du PIB mondial et de la population, cherchent à réduire leur dépendance vis-à-vis des institutions dominées par l’Occident, comme le FMI et la Banque mondiale.
Ils ont mis en place des alternatives telles que la Nouvelle Banque de Développement, visant à offrir des financements pour des projets d’infrastructure sans passer par les canaux traditionnels occidentaux.
Dé-dollarisation des échanges
Un autre phénomène qui accompagne le déclin de l’hégémonie américaine est la dé-dollarisation des échanges internationaux. De plus en plus de pays, en particulier la Russie et la Chine, tentent de réduire leur dépendance au dollar américain dans leurs transactions commerciales.
La Russie a par exemple annoncé qu’elle accepterait le yuan chinois pour certaines exportations énergétiques. Cette tendance, bien que lente, pourrait fragiliser la position du dollar en tant que monnaie de réserve mondiale, un pilier de l’influence économique américaine.
Compétition technologique
Dans le domaine technologique, la rivalité sino-américaine s’intensifie, notamment autour de l’industrie des semi-conducteurs, des technologies 5G, et de l’intelligence artificielle. Les sanctions américaines contre Huawei et les restrictions imposées à l’accès de la Chine à certaines technologies critiques montrent que cette compétition dépasse largement le cadre commercial.
Pékin investit massivement dans le développement de technologies nationales pour réduire sa dépendance à l’égard de l’Occident, ce qui pourrait remodeler l’industrie technologique mondiale.

6.3. Conséquences militaires : montée des tensions et nouvelles stratégies de dissuasion
Sur le plan militaire, le passage à un monde multipolaire conduit à une escalade des tensions et à l’émergence de nouvelles stratégies de dissuasion, tant en Europe qu’en Asie.
Course aux armements
Avec la montée en puissance de la Chine et la résurgence de la Russie, les grandes puissances se retrouvent engagées dans une nouvelle course aux armements.
La Chine, par exemple, développe rapidement sa flotte navale et modernise son arsenal nucléaire, tandis que la Russie continue de renforcer ses capacités militaires, y compris dans le domaine des armes hypersoniques. Ces développements alimentent une militarisation croissante dans les régions stratégiques comme la mer de Chine méridionale et l’Europe de l’Est.
Nouvelles alliances militaires
En réponse à cette montée des tensions, les États-Unis cherchent à renforcer leurs alliances militaires traditionnelles tout en en créant de nouvelles. En Asie-Pacifique, les États-Unis ont consolidé leurs liens avec le Japon, l’Australie et la Corée du Sud, tout en développant de nouveaux partenariats stratégiques, notamment avec l’Inde dans le cadre du Quad.
Cette stratégie vise à endiguer l’influence chinoise, notamment autour de Taïwan, un point de friction majeur dans la rivalité sino-américaine.
La dissuasion nucléaire
Le retour en force de la dissuasion nucléaire est un autre aspect central du déclin de l’hégémonie américaine. La Russie et les États-Unis ont modernisé leurs arsenaux nucléaires, et des pays comme la Chine investissent également dans cette technologie pour renforcer leur posture stratégique.
En Europe, le risque d’une escalade nucléaire est devenu plus palpable depuis le début de la guerre en Ukraine, notamment avec les menaces voilées de la Russie concernant l’usage d’armes nucléaires tactiques.
Zones de tension régionales
Enfin, la transition vers un monde multipolaire a exacerbé les tensions dans plusieurs zones de conflits régionaux.
- En Asie, la question de Taïwan reste un enjeu central de la rivalité sino-américaine. La Chine a intensifié ses exercices militaires autour de l’île, tandis que les États-Unis renforcent leur soutien militaire à Taïwan, augmentant le risque d’une confrontation directe entre les deux superpuissances.
- En Europe, l’élargissement de l’OTAN et le renforcement militaire de la Russie ont également accru les risques d’affrontements, notamment dans les pays baltes et en mer Noire.
7. Perspectives pour un monde multipolaire
7.1. Scénarios futurs : un monde bipolaire, multipolaire, ou un nouveau type d’ordre international ?
L’avenir du monde multipolaire reste incertain. Plusieurs scénarios peuvent être envisagés.
- D’une part, certains analystes estiment que nous pourrions revenir à un monde bipolaire, dominé par deux grandes puissances : les États-Unis et la Chine.
- D’autre part, d’autres envisagent un monde véritablement multipolaire, où plusieurs pôles de pouvoir, tels que la Russie, l’Inde ou même l’Europe, joueraient un rôle majeur dans la gestion des affaires internationales.
Enfin, il est possible que le monde évolue vers un nouvel ordre, où les alliances seraient plus fluides et les conflits régionaux plus fréquents, rendant difficile l’émergence d’une hégémonie stable.
7.2. Les défis pour les puissances émergentes dans ce nouvel ordre
Dans un monde multipolaire, les puissances émergentes devront relever de nombreux défis. Elles devront notamment éviter les erreurs des anciennes puissances hégémoniques, en veillant à ne pas surestimer leur capacité à influencer les événements mondiaux.
Elles devront également faire face à des intérêts divergents au sein même de leurs alliances, comme cela peut être le cas au sein des BRICS, où les intérêts de la Chine et de l’Inde, par exemple, ne sont pas toujours alignés.
Conclusion
Le déclin de l’hégémonie américaine et l’émergence d’un monde multipolaire représentent une transformation majeure des relations internationales.
Les conséquences de ce déclin sont multiples et s’étendent à des domaines aussi divers que la fragmentation des alliances, la réorganisation des flux commerciaux et la militarisation accrue des grandes puissances.
Alors que les États-Unis tentent de maintenir leur influence, ce nouveau contexte mondial, marqué par la montée en puissance de la Chine et la résurgence de la Russie, crée un environnement international plus instable et compétitif, où les stratégies de dissuasion et les rivalités économiques redéfinissent les équilibres géopolitiques.
Ce nouvel équilibre, bien que porteur de défis, ouvre également la voie à une plus grande diversité d’acteurs sur la scène internationale.
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Sources :
- National Interest : « Ukraine and the Return of the Multipolar World »
- Quincy Institute for Responsible Statecraft : « Managed Competition: A U.S. Grand Strategy for a Multipolar World »
- Carnegie Endowment for International Peace : « After Russia’s War Against Ukraine: What Kind of World Order? »
- Al Jazeera Centre for Studies : « The Russia-Ukraine Conflict: Accelerating a Multi-Polar World »
- Le Monde Diplomatique : « Ukraine, pourquoi la crise«
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