Sommaire
Le Secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU) incarne une figure centrale dans le maintien de la stabilité et de la paix mondiales. Depuis la création de l’ONU en 1945, cette fonction a évolué pour répondre à des enjeux diplomatiques complexes.
Le Secrétaire général est à la fois un diplomate de premier plan, un gestionnaire et un médiateur face aux crises internationales.
Cependant, sa capacité à agir est souvent restreinte par les rapports de force au sein du Conseil de sécurité et les tensions géopolitiques globales. Ce rôle, en apparence puissant, est en réalité traversé par de nombreuses limites institutionnelles, que ce soit par le pouvoir de veto des grandes puissances ou les tensions politiques des États membres.
Le Secrétaire général de l’organisation des nations unies : évolution de la fonction
La création des Nations unies
Les fondations de l’Organisation des Nations unies (ONU) ont été posées par les États-Unis et le Royaume-Uni au cours de la Seconde Guerre mondiale. Le 14 août 1941, le président américain Franklin D. Roosevelt et le Premier ministre britannique Winston Churchill ont signé la Charte de l’Atlantique, qui esquissait une vision commune pour l’après-guerre, notamment la création d’une organisation internationale dédiée à la paix et à la sécurité.
Cette initiative a été suivie par la Déclaration des Nations unies, signée le 1er janvier 1942 à Washington D.C. par 26 États engagés dans la lutte contre les forces de l’Axe. Cette déclaration marquait la première utilisation officielle du terme « Nations unies » et exprimait la détermination des signataires à œuvrer ensemble pour la victoire et la paix future.
Ces deux documents ont jeté les bases conceptuelles et politiques de l’ONU, qui sera officiellement créée en 1945 avec la signature de la Charte des Nations unies par 51 États fondateurs, dont les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Union soviétique, la Chine, la France, l’Australie, la Belgique, le Brésil, le Canada, ou encore le Chili.

Le rôle initial du Secrétaire général de l’organisation des nations unies
La Charte des Nations unies décrit le Secrétaire général comme le chef administratif de l’Organisation. Sa tâche principale est de superviser la mise en œuvre des décisions prises par le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale.
Le premier Secrétaire général, Trygve Lie, a exercé dans un contexte international dominé par les tensions de la Guerre froide. Sa fonction, bien que puissante sur le papier, était limitée par les pressions des grandes puissances, notamment les États-Unis et l’Union soviétique. Durant cette période, le Secrétaire général était vu davantage comme un gestionnaire que comme un acteur politique majeur.
Une fonction au cœur de la diplomatie mondiale
La fonction de Secrétaire général a pris une dimension nouvelle avec l’arrivée du Suédois, Dag Hammarskjöld en 1953. Ce dernier est largement reconnu pour avoir transformé le poste en un rôle actif dans la diplomatie mondiale.
Hammarskjöld a introduit les « bons offices », une méthode de médiation discrète entre États en conflit, qui est encore utilisée aujourd’hui. Sous son mandat, la fonction du Secrétaire général est passée d’un simple rôle administratif à celui de médiateur international.
Depuis, chaque Secrétaire général a dû naviguer dans des situations de crise, avec des degrés de succès variés, tout en faisant face à des défis institutionnels importants.
Le processus de nomination du Secrétaire général de l’ONU
Les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU
Les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU sont les États-Unis, la Russie, la Chine, la France et le Royaume-Uni. Ce statut particulier, hérité de la Seconde Guerre mondiale, leur confère un droit de veto sur les décisions majeures du Conseil.
Ce pouvoir leur permet de bloquer toute résolution avec laquelle ils sont en désaccord, notamment en matière de paix et de sécurité internationales. Ces cinq pays, qui représentent les grandes puissances de l’époque, jouent un rôle déterminant dans le processus de nomination du Secrétaire général, influençant ainsi la direction et les actions de l’ONU.
Un processus marqué par les jeux de pouvoir
Le processus de nomination du Secrétaire général est souvent marqué par les rapports de force géopolitiques entre les membres permanents du Conseil de sécurité.
Chaque Secrétaire général est nommé par l’Assemblée générale des Nations unies, mais seulement après une recommandation du Conseil de sécurité, où les cinq membres permanents (États-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni) possédant un droit de veto.
Cette configuration signifie que les grands pays influencent fortement le choix final. Traditionnellement, les Secrétaires généraux proviennent de pays dits « neutres », pour éviter tout conflit d’intérêts majeur entre les grandes puissances.
Pressions géopolitiques et transparence
Le processus de sélection du Secrétaire général a évolué au fil des années. En 2016, pour la première fois, des débats publics ont été organisés entre les candidats afin de rendre le processus plus transparent.
Cependant, les jeux de pouvoir restent prédominants. Un exemple frappant de ces tensions est le cas de Boutros Boutros-Ghali, Secrétaire général de 1992 à 1996, dont le mandat n’a pas été renouvelé à cause du veto des États-Unis. Ce veto démontrait l’influence directe des grandes puissances dans la direction prise par l’Organisation.

Le lien entre l’ONU et l’OTAN : une relation complexe
L’Organisation des Nations unies (ONU) et l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) sont deux entités distinctes avec des mandats différents. Elles se retrouvent parfois à collaborer ou à agir dans des contextes similaires en matière de sécurité internationale. L’OTAN reste néanmoins une alliance militaire interventionniste, dirigée par les États-Unis, tandis que l’ONU a pour mission première de maintenir la paix mondiale à travers des moyens diplomatiques et pacifiques.
Mandats et objectifs divergents
L’ONU a été créée en 1945 avec pour mission de maintenir la paix, de promouvoir les droits de l’homme et de favoriser la coopération internationale. L’OTAN, de son côté, est une alliance militaire formée en 1949, initialement pour protéger l’Europe occidentale contre la menace soviétique pendant la Guerre froide.
Son principe central repose sur la défense collective : une attaque contre un membre est une attaque contre tous, conformément à l’article 5 de son traité.
Cependant, le rôle de l’OTAN a évolué après la Guerre froide, avec des interventions dans divers conflits internationaux, notamment dans les Balkans (Bosnie, Kosovo), en Afghanistan, et plus récemment, son implication dans le soutien militaire au gouvernement ukrainien contre l’invasion russe.
Cela a soulevé les critiques d’observateurs qui considèrent l’OTAN comme un outil militaire utilisé par les États-Unis et leurs alliés pour défendre des intérêts économiques, politiques et idéologiques au détriment des processus de paix.
Le lien entre l’ONU et l’OTAN est complexe. Alors que l’ONU se concentre sur le multilatéralisme et la diplomatie pour résoudre les conflits, l’OTAN, en tant qu’alliance militaire, agit de manière proactive pour protéger ses membres ou ses alliés, dans des conflits comme celui de l’Ukraine par exemple.
Les prérogatives du Secrétaire général de l’organisation des nations unies
Un rôle de médiation essentiel
Le Secrétaire général est principalement perçu comme un médiateur international. Sa mission principale est de prévenir les conflits à travers les « bons offices ». Ces derniers permettent au Secrétaire général d’intervenir de manière discrète dans des crises, en facilitant les négociations entre les parties.
Ce rôle est particulièrement visible dans des zones de conflits prolongés, comme au Moyen-Orient ou en Afrique. Le Secrétaire général actuel, António Guterres, s’est distingué par ses tentatives de médiation dans des situations complexes telles que la guerre en Ukraine et le conflit israélo-palestinien.

Les missions exécutives et administratives
En plus de son rôle de médiation, le Secrétaire général est le chef du Secrétariat des Nations unies. Cette structure comprend des milliers de fonctionnaires répartis dans le monde entier, et ses missions vont de la gestion des crises humanitaires à l’élaboration de politiques internationales sur des questions comme le développement durable et les droits de l’homme.
Chaque année, le Secrétaire général publie un rapport qui dresse un bilan des actions menées par l’ONU et propose des priorités pour l’avenir. Ce rapport est un document essentiel pour comprendre l’orientation de l’Organisation dans des domaines comme la paix et la sécurité, la justice sociale ou la coopération internationale.
Les conflits actuels et la position du Secrétaire général
La guerre en Ukraine : un défi de taille pour l’ONU
La guerre en Ukraine représente l’un des défis les plus graves pour l’ONU depuis plusieurs décennies. Non seulement ce conflit menace la stabilité européenne, mais il remet en question l’efficacité du multilatéralisme, car les grandes puissances sont directement impliquées.
António Guterres, Secrétaire général de l’ONU, a rapidement condamné l’invasion russe en février 2022. Toutefois, son action est limitée par le veto de la Russie au Conseil de sécurité, empêchant ainsi toute résolution contraignante.
Face à ce blocage diplomatique, Guterres s’est concentré sur des initiatives humanitaires, facilitant notamment un accord pour permettre l’exportation de céréales ukrainiennes via la mer Noire, une étape cruciale pour éviter une crise alimentaire mondiale.
Bien que son pouvoir reste restreint par les jeux de pouvoir au sein du Conseil, son rôle de facilitateur demeure essentiel pour atténuer les souffrances civiles et maintenir les discussions diplomatiques.
La guerre israélo-palestinienne : une impasse prolongée
Le conflit israélo-palestinien est une autre illustration des difficultés rencontrées par le Secrétaire général de l’ONU dans son rôle de médiateur.
En 2023, alors que les tensions entre Israël et Gaza se sont intensifiées, Guterres a fermement condamné les frappes israéliennes contre les civils palestiniens, tout en reconnaissant le droit d’Israël à se défendre contre les attaques du Hamas.
Guterres a réitéré son soutien à une solution à deux États, une position historique de l’ONU.
Toutefois, malgré ses efforts, le processus de paix reste bloqué, principalement en raison du manque de volonté des parties à négocier et du soutien indéfectible des États-Unis à Israël. Cette situation rend difficile toute action concrète de la part de l’ONU pour faire avancer les négociations. L’impasse diplomatique persiste, et le rôle de Guterres, bien qu’essentiel, est limité par les divisions au sein du Conseil de sécurité.
Critiques et limites de la fonction
Un pouvoir souvent limité par le veto
Le rôle du Secrétaire général de l’ONU est souvent considéré comme symbolique, surtout lorsqu’il s’agit de traiter avec les membres permanents du Conseil de sécurité, qui disposent du droit de veto. Ce pouvoir limite fréquemment l’influence du Secrétaire général sur des décisions critiques en matière de paix et de sécurité.
Par exemple, en 2003, le Conseil de sécurité fut divisé sur la question de l’invasion de l’Irak par les États-Unis, la France, la Russie et la Chine étant opposées à l’intervention militaire, tandis que les États-Unis et le Royaume-Uni la soutenaient. Malgré les efforts diplomatiques du Secrétaire général de l’époque, Kofi Annan, pour promouvoir une solution pacifique, l’ONU n’a pas pu éviter la guerre. Cet exemple illustre comment le pouvoir de veto peut paralyser l’action multilatérale de l’ONU.
De plus, le Secrétaire général n’a pas de véritable pouvoir contraignant sur les États membres. Sa capacité à influencer les décisions repose davantage sur son autorité morale et diplomatique que sur des pouvoirs exécutifs formels. Par conséquent, même lorsque le Secrétaire général met en garde contre des actions qui pourraient mettre en péril la paix internationale, comme la crise en Syrie ou le conflit israélo-palestinien, ses recommandations peuvent rester lettre morte en l’absence de consensus au sein du Conseil de sécurité.

Dépendance aux États membres
La capacité du Secrétaire général à agir est limitée par sa dépendance aux États membres, tant pour l’approbation de ses initiatives que pour le financement de l’Organisation. L’ONU dépend des contributions volontaires de ses membres pour financer ses opérations, y compris les missions de maintien de la paix et les programmes humanitaires. Cette situation met le Secrétaire général dans une position délicate, car il doit souvent composer avec les priorités nationales des grandes puissances, qui détiennent une influence considérable sur les décisions et politiques de l’ONU.
Cette dépendance financière limite l’indépendance du Secrétaire général dans la prise de décision et peut affecter la capacité de l’Organisation à intervenir rapidement et efficacement dans les crises internationales. Par exemple, lorsque des États contributeurs majeurs menacent de réduire leurs contributions, cela peut affaiblir l’efficacité de certaines missions ou de programmes cruciaux.
Les défis de la réforme du Conseil de sécurité
La réforme de la gouvernance mondiale : un enjeu majeur
António Guterres a intensifié les appels à réformer le Conseil de sécurité pour mieux refléter les réalités géopolitiques actuelles. Actuellement dominé par les cinq membres permanents (États-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni), ce Conseil représente un ordre mondial post-Seconde Guerre mondiale qui ne correspond plus à l’équilibre des puissances d’aujourd’hui.
Des États émergents comme l’Inde, le Brésil ou l’Afrique du Sud exercent une influence croissante dans les affaires internationales, mais ne sont pas représentés de manière équitable au sein du Conseil. L’élargissement de ce dernier permettrait d’améliorer son efficacité face aux défis mondiaux, notamment en matière de résolution des conflits internationaux, tels que la guerre en Ukraine ou les tensions dans des zones sensibles comme la mer de Chine méridionale.

Les défis de la réforme et les résistances internes
La réforme du Conseil de sécurité est un sujet sensible qui suscite des débats récurrents à l’ONU. En 2022, lors de l’Assemblée générale, Guterres a réitéré son appel à un multilatéralisme plus inclusif, soulignant la nécessité de rendre cette institution plus représentative des rapports de force actuels.
Cependant, la réforme se heurte à une forte résistance des membres permanents, qui bénéficient du droit de veto et hésitent à abandonner leurs privilèges historiques. De nombreuses réformes nécessitent leur approbation, et chaque tentative de modification de l’architecture du Conseil de sécurité se heurte à des intérêts nationaux divergents.
Cela crée un obstacle majeur pour adapter l’ONU aux enjeux contemporains, tels que le changement climatique, les pandémies mondiales, et la cybersécurité.
Les réformes internes de l’ONU face aux crises humanitaires
En parallèle aux réformes structurelles du Conseil de sécurité, António Guterres a plaidé pour des réformes internes visant à rendre l’ONU plus réactive face aux crises humanitaires contemporaines. En 2019, il a lancé le programme « Unis pour la Réforme », une initiative majeure visant à restructurer les opérations de l’ONU.
Ce programme repose sur trois piliers : le développement, la gestion, et la paix et la sécurité. L’objectif est de simplifier la bureaucratie onusienne et de rendre l’organisation plus agile face aux défis complexes de notre époque. Une partie clé de cette réforme est de mettre davantage l’accent sur la prévention des conflits plutôt que sur la réaction aux crises, tout en garantissant une gestion plus transparente et efficace des ressources disponibles, notamment dans les opérations de maintien de la paix.
Améliorer l’efficacité des missions de maintien de la paix
Le renforcement des opérations de maintien de la paix est l’un des objectifs prioritaires du programme « Unis pour la Réforme ». Dans des contextes comme ceux de la Syrie, du Sahel ou du Soudan, l’ONU a souvent été critiquée pour son manque de réactivité ou l’inefficacité de ses missions. Guterres a insisté sur la nécessité de réduire la lourdeur administrative et de rendre les actions de l’ONU plus rapides et plus adaptées aux réalités du terrain. Il a également mis l’accent sur la gestion des ressources humaines et financières, cherchant à rendre l’organisation plus responsable vis-à-vis de ses membres et du public mondial. Ces réformes visent à renforcer la capacité de l’ONU à anticiper les crises, notamment dans les domaines du développement et de la sécurité.
Conclusion
Le Secrétaire général de l’ONU est à la fois un acteur clé dans la diplomatie mondiale et un gestionnaire international. António Guterres, à travers son mandat, a illustré l’importance de cette fonction dans la gestion des crises contemporaines, tout en étant confronté à des blocages institutionnels majeurs.
Que ce soit dans la gestion de la guerre en Ukraine ou dans les efforts pour relancer les pourparlers de paix entre Israël et la Palestine, Guterres a dû jongler entre la diplomatie et les réalités géopolitiques complexes. Le succès de ses initiatives est souvent conditionné par la capacité de l’ONU à réformer ses structures, en particulier le Conseil de sécurité.
Bien que le pouvoir du Secrétaire général soit limité, il demeure un pilier essentiel pour la coopération internationale et la promotion de la paix.
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Sources :
- Le Monde Diplomatique : « À la Maison de verre. L’ONU et ses secrétaires généraux »
- Wikipédia (français) : « Secrétaire général des Nations unies »
- Radio France : « Nouveau secrétaire général. Quel avenir pour l’organisation ? »
- Zero Hedge : « L’ONU vient d’adopter le « Pacte pour l’avenir » qui jette les bases d’un nouvel « ordre mondial »
- ONU : « Biographie d’António Guterres, Secrétaire général de l’ONU »
- Reform UN : « Unis pour la Réforme »
- Press UN : « Le Conseil de sécurité résonne d’appels à réformer la gouvernance internationale et à encadrer l’exercice du droit de veto »
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