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Alain Juillet : un regard lucide sur la géopolitique mondiale
Alain Juillet, ancien haut responsable en intelligence économique, qui a occupé des postes tels que directeur du renseignement à la DGSE et conseiller spécial du Premier ministre, possède une vaste expérience dans la réflexion stratégique et une connaissance approfondie des affaires mondiales.
Il partage avec nous son analyse des enjeux géopolitiques actuels, en se penchant notamment sur des questions liées à l’Afrique, l’Europe, la Russie, l’Ukraine et les États-Unis.

La carrière et le rôle de Pierre Juillet, oncle d’Alain Juillet
Pierre Juillet, le frère du grand-père d’Alain Juillet, a été un personnage influent de la scène politique française. Il était étroitement lié au général de Gaulle, à Pompidou et à Chirac.
Il a joué un rôle essentiel en tant que conseiller politique, notamment en contribuant à la formation et à l’ascension de Chirac. Cependant, il a rompu ses liens avec Chirac lorsque ce dernier a pris ses distances avec la vision gaulliste.
Le choix d’Alain Juillet de ne pas faire de la politique mais de la réflexion stratégique
Alain Juillet a choisi de ne pas emprunter la voie politique de son oncle, préférant se consacrer à à la réflexion et à l’analyse stratégique.
Son intérêt réside dans l’analyse, la compréhension et le décryptage de la réalité, sans être contraint par les compromis inhérents à la politique.
Il nourrit une passion pour la géopolitique, un domaine qui requiert de l’expérience, de la sensibilité et une connaissance approfondie du monde.
L’évolution de la diplomatie française et de ses rapports avec l’Afrique
Alain Juillet estime que la France a commencé à abandonner l’Afrique sous la présidence de Nicolas Sarkozy, qui a commis des erreurs, notamment en intervenant en Libye.
Cette politique a entraîné une perte de confiance et d’amitié avec de nombreux pays africains, et il est nécessaire de reconstruire progressivement ces relations.
Il note également l’influence de diplomates pro-anglo-saxons sur la politique étrangère française, qui négligent les intérêts de l’Afrique.
Selon lui, il est essentiel de rétablir une diplomatie indépendante et respectueuse des intérêts africains pour renforcer les liens avec le continent.

L’appréciation d’Alain Juillet sur la ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna
Selon Alain Juillet, Catherine Colonna est une professionnelle expérimentée dans le domaine diplomatique.
Elle possède une connaissance approfondie du fonctionnement de la diplomatie. Elle a collaboré avec des personnalités politiques telles que Jacques Chirac et d’autres, ce qui lui confère une compréhension précise des politiques et des mécanismes de décision.
Son rôle consiste à fournir aux dirigeants, notamment au président et au Premier ministre, les éléments de jugement et de langage nécessaires pour évaluer les situations et prendre des décisions éclairées.
En outre, elle est chargée de gérer les relations avec d’autres pays et organisations internationales, contribuant ainsi à la mise en œuvre de la politique étrangère de la France.

Le fonctionnement du ministère des Affaires étrangères
Le ministère des Affaires étrangères joue un rôle crucial dans la collecte, la synthèse, et l’analyse des informations provenant des ambassades.
Ces informations sont essentielles pour éclairer la politique étrangère de la France.
Le ministre des Affaires étrangères est en communication constante avec le président, le Premier ministre, et d’autres ministres impliqués dans les affaires internationales.
Une compréhension approfondie du terrain et une connaissance des acteurs locaux sont des éléments essentiels pour prendre des décisions éclairées en politique étrangère, évitant ainsi de se fier uniquement aux apparences ou aux idées préconçues.
Le réseau Foccart et son influence en Afrique
Le réseau Foccart était un système informel de relations entre la France et ses anciennes colonies en Afrique.
Il a été créé et dirigé par Jacques Foccart, un conseiller de haut niveau qui a travaillé aux côtés du général de Gaulle et de Georges Pompidou en tant que conseiller spécial pour les affaires africaines.
Ce réseau avait une connaissance approfondie des pays africains, de leurs dirigeants et de leurs dynamiques politiques. Il avait la capacité d’intervenir discrètement et de négocier dans les situations de crise, ce qui en faisait un outil précieux pour la politique étrangère française en Afrique.
Cependant, le réseau Foccart était également critiqué pour son manque de transparence et son rôle potentiel dans le maintien au pouvoir de régimes autoritaires et corrompus en Afrique.
Certains estimaient qu’il favorisait les intérêts français au détriment de la démocratie et des droits de l’homme dans ces pays.

Le réseau Foccart a fonctionné pendant plusieurs décennies, mais a perdu de son influence au fil du temps, et a finalement été dissous dans les années 1990.
La situation actuelle de l’Afrique et ses défis
L’Afrique est confrontée à l’émergence de nouveaux acteurs mondiaux qui cherchent à étendre leur influence et leurs intérêts sur le continent.
Parmi ces acteurs, on retrouve des puissances comme la Chine, la Russie et les États-Unis, qui ont intensifié leurs relations économiques, politiques et sécuritaires avec de nombreux pays africains au cours des dernières années.
En parallèle, de nombreux pays africains revendiquent leur souveraineté et leur indépendance dans leurs relations internationales et ne veut plus être considérée comme une chasse gardée de la France.
Ils cherchent à diversifier leurs partenaires et à maximiser leurs intérêts en négociant avec une gamme plus large de pays et d’organisations internationales.
La France, en tant qu’ancienne puissance coloniale ayant des liens historiques et culturels avec de nombreux pays africains, doit adapter sa politique étrangère pour répondre à ces évolutions.
De nombreuses voix plaident en faveur d’une transformation des relations franco-africaines, en passant d’une approche paternaliste à une approche basée sur le partenariat et le respect mutuel.
Cela pourrait impliquer une révision des politiques françaises en matière d’aide au développement, de sécurité, de commerce et d’investissement en Afrique, tout en respectant la souveraineté des pays africains et en favorisant une coopération équilibrée et mutuellement bénéfique.
Le cas du Mali et de la présence militaire française
Le Mali est un pays divisé entre le Nord et le Sud, qui ont des cultures et des aspirations différentes.
Le Mali est en effet un pays caractérisé par des divisions culturelles et ethniques entre le Nord et le Sud, qui ont leurs propres aspirations politiques et économiques.
Les Touaregs du Nord ont longtemps réclamé une plus grande autonomie voire l’indépendance, tandis que les Bambaras et d’autres groupes du Sud ont cherché à préserver l’unité nationale.
Le conflit au Mali a été compliqué par l’infiltration de groupes djihadistes qui ont exploité les tensions internes pour prendre le contrôle de certaines régions du pays.
Face à cette menace, la France est intervenue militairement en 2013, dans le cadre de l’opération Serval, pour stopper l’avancée des groupes djihadistes et soutenir le gouvernement malien.

Des accords de paix ont été négociés en 2015 à Alger, connus sous le nom d’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, mais leur mise en œuvre a été difficile en raison de divergences persistantes entre les parties.
La France et d’autres partenaires internationaux ont maintenu leur présence au Mali mais elle ne peut résoudre le problème politique.
L’opposition entre l’Occident et le reste du monde
L’Occident, représenté par l’Europe et les États-Unis, possède une perspective mondiale qui n’est pas partagée par le reste du monde, notamment l’Amérique du Sud, l’Afrique et le Moyen-Orient.
Il cherche à imposer ses valeurs, ses normes et ses intérêts sans considérer les particularités et les aspirations d’autres régions.
La Chine assume un rôle de médiateur entre l’Iran et l’Arabie saoudite, contribuant ainsi à promouvoir la paix au Moyen-Orient. La Syrie, malgré l’opposition des pays occidentaux, réintègre la Ligue arabe.
La faillite du renseignement sur la guerre en Ukraine
La guerre en Ukraine est le résultat d’un affrontement entre la Russie et l’Occident, qui se disputent le contrôle de ce pays stratégique.
En 2022, la Russie a envahi l’Ukraine, un acte survenu après l’annexion de la Crimée en 2014.
Cette invasion russe a été mal planifiée car elle a eu lieu pendant une période de dégel, ce qui a compliqué son avancée.
La Russie a sous-estimé la résistance du président Zelinsky et le soutien des États-Unis et du Royaume-Uni en faveur de l’Ukraine.
De leur côté, les pays européens mal anticipé les intentions et les capacités militaires de la Russie.
Les services de renseignement des deux parties ont également connu des lacunes, ce qui a conduit à une guerre inattendue et potentiellement dangereuse.

La proposition de Poutine de rejoindre l’Union européenne en 2002
En 2002, lors d’un sommet à Bruxelles, Vladimir Poutine fait une proposition inattendue à l’Union européenne en suggérant que la Russie devienne membre de l’UE, dans le but de resserrer les liens avec l’Europe et d’établir une coopération économique et énergétique.
Cependant, cette proposition a été rejetée par les États-Unis et l’Allemagne, qui craignaient une alliance trop puissante entre l’Allemagne et la Russie.
Les Français, pour leur part, avaient toujours plaidé en faveur d’une ouverture envers la Russie, mais leurs recommandations n’ont pas été suivies.
Cette proposition a été rapidement oubliée, mais elle témoigne du fait que la Russie n’était pas nécessairement hostile à l’Europe.
La guerre économique entre les États-Unis et la Chine
Les États-Unis sont confrontés à l’ascension de la Chine en tant que future première puissance mondiale potentielle d’ici 2040-2050, mais maintiennent leur position dominante par la puissance militaire, tandis que la Chine s’affirme principalement à travers le commerce et les échanges.
Pendant ce temps, l’Europe traverse une période de crise et de fragmentation, ce qui la place face à un choix délicat : s’aligner sur les États-Unis ou se rapprocher de la Chine.
L’Europe a un intérêt à cultiver de bonnes relations avec les deux acteurs, mais elle doit également mettre en avant sa propre identité et ses propres intérêts.

La formation des Ukrainiens aux matériels occidentaux
Les Ukrainiens ont bénéficié de l’apport de matériels militaires occidentaux, incluant des missiles antichars, des drones et des radars.
Toutefois, leur utilisation efficace requiert une formation longue et complexe, comparable à la transition de la conduite d’une voiture à celle d’une Formule 1.
L’équilibre des forces sur le terrain dépend également de la motivation et de la stratégie en jeu.
La négociation comme seule solution possible
Alain Juillet soutient depuis plus d’un an que la seule solution viable pour mettre fin au conflit en Ukraine réside dans la négociation, bien que ses avis aient été largement ignorés.
Il exprime des doutes quant à la capacité des Ukrainiens à percer les solides lignes de défense russes, s’attendant plutôt à une stabilisation de la frontière le long de la ligne actuelle, qui correspond approximativement à la division linguistique entre les Ukrainiens et les Russophones.
Les accords de Minsk comme base de la médiation
Les accords de Minsk, signés en 2015 sous la médiation de la France et de l’Allemagne, comportent des dispositions telles que la reconnaissance de la Crimée comme faisant partie de la Russie, une autonomie limitée pour les provinces russophones sans indépendance totale, ainsi que le respect d’un cessez-le-feu.
Malheureusement, ces accords ont été violés par les Anglo-Saxons et les Ukrainiens, bien qu’Alain Juillet estime qu’ils demeurent valides et pourraient servir de base à une médiation entre Russes et Ukrainiens.

Le rôle de Jacques Chirac dans la politique étrangère française
Jacques Chirac était un homme politique reconnu sur la scène internationale, réputé pour avoir défendu les intérêts et les valeurs de la France.
Il est resté dans les mémoires pour son opposition à la guerre en Irak en 2003, qui lui a valu le respect du monde arabe et de l’opinion publique.
Il a également entretenu des relations amicales avec l’Afrique et la Russie, qu’il connaissait bien.
Alain Juillet regrette le manque actuel de personnalités politiques françaises de son envergure dans la diplomatie.
La vision du président Macron et les pressions qu’il a subies
Le président Macron a cherché à jouer un rôle de médiateur entre les Russes et les Ukrainiens en proposant une réunion dans le format Normandie, impliquant la France, l’Allemagne, la Russie et l’Ukraine.
Sa compréhension de la situation a été jugée précise, reconnaissant que la Russie ne constituait pas une menace pour l’Europe et qu’un dialogue était nécessaire.
Cependant, il a été soumis à des pressions de la part de l’OTAN, qui maintient une approche tendue vis-à-vis de la Russie, ainsi que de l’Allemagne et de la Pologne, qui sont hostiles à la Russie.
Finalement, le président Macron s’est aligné sur la position occidentale en soutenant l’Ukraine contre la Russie.
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