BRICS 2024 : BRICS Clear et ARC, des outils pour un nouvel ordre économique mondial

1. Qu’est-ce que BRICS Clear et l’Arrangement de Réserve Contingente (ARC) ?

BRICS Clear : une infrastructure financière indépendante

BRICS Clear est une initiative stratégique des BRICS visant à établir une infrastructure indépendante de règlement et de dépôt transfrontaliers.

Conçue comme une alternative aux systèmes traditionnels dominés par les économies occidentales, tels que SWIFT, BRICS Clear cherche à offrir une plateforme sécurisée, rapide et économique pour faciliter les transactions internationales entre les membres du groupe.

L’objectif principal de BRICS Clear est de réduire la dépendance aux systèmes de paiement occidentaux, souvent considérés comme vulnérables à des perturbations extérieures, telles que les sanctions économiques ou les restrictions géopolitiques.

Ce projet s’inscrit dans la stratégie plus large des BRICS de renforcer leur souveraineté économique en permettant des échanges commerciaux fluides en monnaies locales, évitant ainsi les fluctuations du dollar américain.

Arrangement de Réserve Contingente (ARC) : une réponse collective aux crises financières

L’ARC, ou Contingent Reserve Arrangement (CRA) en anglais, est un mécanisme mis en place en 2015 par les BRICS pour renforcer la stabilité financière des membres.

Fonctionnant comme un filet de sécurité monétaire, l’ARC permet aux pays participants de répondre aux pressions à court terme sur leur balance des paiements.

Le fonctionnement de l’ARC repose sur la mise en commun de réserves financières, accessibles en cas de besoin.

Les pays membres peuvent emprunter une part prédéfinie de ces réserves pour éviter les chocs économiques liés à des crises externes ou des fluctuations monétaires.

L’ARC se distingue des dispositifs traditionnels, comme ceux du Fonds monétaire international (FMI), par son caractère non conditionnel et par une gouvernance plus inclusive.

2. Fonctionnement et mécanismes des dispositifs BRICS Clear et ARC

BRICS Clear : une infrastructure financière indépendante

BRICS Clear est une initiative ambitieuse visant à créer une infrastructure de règlement et de dépôt transfrontaliers indépendante pour les membres des BRICS. Conçu comme une alternative aux systèmes traditionnels dominés par l’Occident, tels que SWIFT, BRICS Clear a pour objectif de renforcer l’autonomie économique et financière des pays membres.

Ce système repose sur trois piliers fondamentaux :

• Accélération des transactions financières
  Grâce à un réseau sécurisé, les échanges entre les institutions bancaires des BRICS peuvent se faire en temps réel.
• Réduction des coûts de transaction
  L’élimination des intermédiaires, tels que les banques occidentales, diminue les frais liés aux paiements transfrontaliers.
• Renforcement de la sécurité des flux financiers
  Une infrastructure propre protège les BRICS contre d’éventuelles cyberattaques ou sanctions économiques.

Intégration des monnaies locales

Un aspect crucial de BRICS Clear est son rôle dans la promotion des règlements en monnaies locales.

• Par exemple, des accords bilatéraux récents entre la Chine et le Brésil ont permis l’utilisation du yuan et du real pour des transactions commerciales, limitant ainsi leur exposition au dollar américain.
• L’Inde et l’Afrique du Sud adoptent également des mécanismes similaires, intégrant la roupie et le rand dans leurs échanges.

Exemples concrets de déploiement

Des projets pilotes concrets montrent déjà le potentiel de BRICS Clear. En Chine, une plateforme expérimentale baptisée CIPS-BRICS (Cross-border Interbank Payment System) teste la compatibilité entre les systèmes de paiement locaux et les normes envisagées pour BRICS Clear.

Ce projet vise à accélérer les transactions interbancaires entre la Chine, la Russie et le Brésil, en éliminant la dépendance aux réseaux de paiement occidentaux.

• En Inde, la Reserve Bank of India (RBI) travaille sur une initiative qui intègre les monnaies numériques des banques centrales (CBDC) dans les paiements transfrontaliers entre l’Inde et l’Afrique du Sud. Ces essais explorent comment les CBDC peuvent réduire encore les coûts de transaction et améliorer la traçabilité.
• En Russie, le système SPFS (System for Transfer of Financial Messages), mis en place comme alternative locale à SWIFT, est testé pour une intégration au sein de BRICS Clear, facilitant les échanges énergétiques bilatéraux avec la Chine et l’Inde.
• Ces initiatives démontrent que les membres des BRICS ne se contentent pas de stratégies théoriques, mais mettent en œuvre des solutions concrètes pour établir une infrastructure financière indépendante et résiliente.

Arrangement de Réserve Contingente (ARC) : une réponse collective aux crises financières

L’Arrangement de réserve contingente (ARC) des BRICS, lancé en 2015, constitue un mécanisme de protection financière destiné à prévenir les crises de balance des paiements. Il fonctionne comme une ligne de crédit collective à laquelle les membres peuvent accéder en cas de pression économique.

Fonctionnement de l’ARC

Le Contingent Reserve Arrangement (ARC) est un mécanisme mis en place par les BRICS en 2015 pour renforcer la stabilité financière de ses membres face aux crises de liquidité à court terme.

En réponse à des chocs financiers mondiaux, tels que des fluctuations monétaires ou des sorties massives de capitaux, l’ARC offre un filet de sécurité collectif.

Structure et principes opérationnels

L’ARC repose sur un pool de réserves constitué par les membres des BRICS selon une clé de contribution définie. Chaque pays contribue une part proportionnelle en devises fortes, principalement en dollars américains. Les contributions totales atteignent 100 milliards de dollars, réparties comme suit :

• Chine : 41 milliards de dollars.
• Brésil, Russie, Inde : 18 milliards de dollars chacun.
• Afrique du Sud : 5 milliards de dollars.

Ce fonds peut être activé rapidement pour fournir une aide financière aux membres en difficulté, sous réserve d’une évaluation conjointe par les gouvernements et les banques centrales.

Le fonctionnement de l’ARC est structuré autour de lignes de crédit mises à disposition des membres en cas de besoin. Les États peuvent accéder à une partie prédéterminée de leurs quotes-parts sans condition, tandis que des tranches supplémentaires peuvent être accordées sous réserve d’un accord avec le Fonds monétaire international (FMI).

Bénéfices pour les membres et pour la stabilité économique

L’ARC offre plusieurs avantages :

• Stabilité monétaire
  Il réduit la dépendance des BRICS aux financements d’urgence du FMI, souvent conditionnés à des politiques d’austérité.
• Souveraineté renforcée
  Les membres peuvent agir rapidement en cas de pressions sur leur balance des paiements, sans ingérence extérieure.
• Solidarité régionale
  L’ARC illustre une approche coopérative face aux crises, renforçant la résilience collective des BRICS.

Exemples d’utilisation concrète

Bien que l’ARC n’ait pas encore été pleinement mobilisé, des simulations et tests réguliers démontrent son efficacité et permettent d’améliorer les protocoles de coordination entre les membres.

Lors du 7ᵉ cycle de test en 2024, les membres ont évalué leur capacité à répondre à une crise financière simulée, mettant en évidence les forces et les faiblesses de leurs systèmes.

En 2020, pendant la pandémie de COVID-19, l’ARC a été brièvement envisagé pour soutenir les membres confrontés à des sorties de capitaux massives, illustrant son importance stratégique.

• Protection contre les fluctuations des devises étrangères
  Les membres peuvent se replier sur ce fonds pour éviter des interventions coûteuses sur les marchés des changes.
• Indépendance vis-à-vis des institutions occidentales
  Contrairement au FMI, l’ARC offre une alternative sans conditionnalités strictes.

Défis d’opérationnalisation et améliorations nécessaires

L’élargissement des monnaies éligibles à l’ARC (Contingent Reserve Arrangement) exige une mise à jour des mécanismes de liquidité et de surveillance des taux de change pour éviter des déséquilibres.

• Les infrastructures actuelles doivent être renforcées pour assurer des transactions rapides et stables, notamment dans des conditions de marché volatiles.
• De plus, l’interconnexion des banques centrales via des plateformes sécurisées demeure un défi technique, nécessitant des investissements pour garantir la compatibilité des systèmes financiers et la résilience face aux cyber-risques croissants.

Perspectives pour une mobilisation future

L’intégration de l’ARC avec BRICS Clear pourrait transformer les mécanismes de réserve en outils interconnectés, capables de traiter à la fois des liquidités d’urgence et des paiements transfrontaliers.

Cette interopérabilité permettrait d’automatiser les transferts, d’assurer une allocation rapide des ressources en cas de crise et de simplifier les échanges en monnaies locales.

En combinant les capacités de gestion des réserves de l’ARC avec les paiements directs de BRICS Clear, les BRICS pourraient construire un écosystème financier indépendant et résilient, adapté aux besoins des économies émergentes.

3. Déploiement des des projets pilotes et premières applications

Les premières initiatives pour tester BRICS Clear et l’ARC illustrent leur potentiel à révolutionner le paysage financier des BRICS, comme notamment en Chine et en Inde.

Projets BRICS Clear : cas pratiques en Chine et Inde

• Chine
  Un projet pilote en phase expérimentale relie les banques locales aux marchés des BRICS via des plateformes interconnectées. Ce projet vise à réduire le recours à des systèmes occidentaux comme SWIFT et à sécuriser les transactions dans un environnement géopolitique tendu.
• Inde
  L’Inde s’efforce d’intégrer ses infrastructures de paiements en roupies avec les plateformes numériques des autres membres.
  Le projet d’intégration des monnaies numériques des banques centrales (CBDC) avec BRICS Clear améliore l’efficacité des règlements internationaux, tout en explorant leur utilisation pour le commerce intra-BRICS.

Utilisation de l’ARC en situation de crise

L’Afrique du Sud a récemment évalué l’ARC pour stabiliser sa balance des paiements lors d’une crise énergétique.

Bien que ce mécanisme n’ait pas encore été activé à grande échelle, il offre une solution immédiate aux déséquilibres financiers, renforçant ainsi la confiance des membres.

Ces projets pilotes montrent que, bien qu’ambitieux, les dispositifs nécessitent encore des ajustements techniques et une meilleure coordination entre les membres.

Cependant, ils témoignent d’une volonté commune de construire une infrastructure financière autonome et résiliente.

4. Défis et perspectives d’évolution

Obstacles techniques et organisationnels

La mise en œuvre de BRICS Clear et de l’ARC s’accompagne de nombreux défis. Les infrastructures financières des membres présentent des niveaux d’avancement inégaux, ce qui complique l’harmonisation des systèmes. Par exemple :

• Interopérabilité des systèmes
  Des disparités techniques entre les banques centrales et les infrastructures numériques freinent les règlements en temps réel.
• Taux de change
  La gestion des fluctuations des monnaies locales pose un obstacle majeur, nécessitant des mécanismes de stabilisation.
• Questions réglementaires
  L’absence d’un cadre juridique uniforme ralentit la coopération transfrontalière.

Pour surmonter ces problèmes, les BRICS envisagent une approche collaborative basée sur des dialogues réguliers au sein des groupes de travail interbancaires.

Perspectives d’interconnexion entre BRICS Clear et l’ARC

L’intégration potentielle de BRICS Clear et de l’ARC représente une évolution stratégique pour maximiser leur efficacité :

• Une interconnexion systémique
  En couplant la rapidité des paiements transfrontaliers de BRICS Clear avec les capacités de stabilisation financière de l’ARC, les membres pourraient répondre simultanément aux crises et aux besoins commerciaux.
• Un modèle pour l’Eurasie
  L’association des deux dispositifs pourrait également poser les bases d’une architecture financière régionale élargie, incluant potentiellement des pays non membres comme l’Iran ou l’Indonésie.
• Optimisation par les CBDC
  Les monnaies numériques des banques centrales pourraient servir de lien pour améliorer la fluidité et la traçabilité des transactions.

Ces perspectives, bien que prometteuses, nécessitent des investissements continus dans les technologies et une volonté politique forte pour surmonter les obstacles actuels.

5. Impact global des dispositifs sur l’économie mondiale

Renforcement de la souveraineté économique

BRICS Clear et l’ARC incarnent une volonté commune de diminuer la dépendance au système financier occidental, en particulier à l’hégémonie du dollar américain. Cette démarche s’inscrit dans un contexte géopolitique où les sanctions économiques et les fluctuations des devises dominantes exposent les économies des BRICS à des vulnérabilités. Grâce à ces outils :

• Réduction des risques monétaires
  Les transactions en monnaies locales protègent les économies des BRICS des variations imprévisibles du dollar.
• Indépendance stratégique
  En contournant des infrastructures dominées par l’Occident, comme SWIFT, les BRICS renforcent leur autonomie.

Soutien aux économies émergentes

L’ARC et BRICS Clear permettent de créer des alternatives aux financements traditionnels souvent conditionnels. Ces dispositifs offrent aux économies émergentes :

• Accès à des lignes de crédit flexibles
  L’ARC aide à stabiliser les finances en période de crise sans exiger des réformes structurelles imposées.
• Facilitation du commerce régional
  BRICS Clear fluidifie les échanges au sein du bloc, en particulier entre l’Inde et l’Afrique du Sud, ou encore entre la Chine et la Russie.

Contribution à une architecture multipolaire

Ces innovations s’inscrivent dans la vision des BRICS de promouvoir un ordre économique multipolaire. En renforçant la coopération intra-bloc et avec des partenaires extérieurs :

• Diversification des partenariats
  Les BRICS intègrent le Sud global, y compris des pays comme l’Égypte ou l’Arabie saoudite, dans leurs stratégies financières.
• Établissement d’un modèle alternatif
  L’efficacité prouvée des dispositifs pourrait inspirer d’autres groupements régionaux, comme l’Union africaine ou l’ASEAN.

Les impacts positifs de BRICS Clear et de l’ARC ne se limitent pas aux pays membres. Ils renforcent également la crédibilité des BRICS en tant qu’acteurs clés de l’économie mondiale.

Conclusion et enjeux futurs

BRICS Clear et l’Arrangement de réserve contingente (ARC) symbolisent une évolution majeure dans la quête des BRICS pour une autonomie économique et financière. Ces outils, bien que récents, démontrent déjà leur potentiel à remodeler les flux financiers et à renforcer la souveraineté des pays émergents. En réduisant la dépendance au dollar américain et en offrant des alternatives crédibles aux mécanismes financiers traditionnels, les BRICS s’affirment comme des acteurs déterminés à promouvoir un ordre économique mondial plus équitable.

Cependant, des défis subsistent : l’opérationnalisation complète de BRICS Clear, l’élargissement des monnaies éligibles dans l’ARC, et l’harmonisation des infrastructures financières des membres nécessitent une coordination accrue. De plus, ces dispositifs devront prouver leur efficacité en période de crise mondiale pour gagner la confiance des partenaires au-delà du bloc.

L’avenir des BRICS repose sur leur capacité à intégrer ces outils dans une stratégie cohérente qui inclut le Sud global. Si BRICS Clear et l’ARC atteignent leur plein potentiel, ils pourraient devenir des modèles pour d’autres blocs régionaux, contribuant ainsi à un système financier mondial multipolaire et résilient. En fin de compte, ces innovations ne sont pas seulement des solutions techniques : elles incarnent une vision géopolitique ambitieuse pour un avenir plus équilibré et inclusif.

Pour saisir les enjeux cruciaux des BRICS pour l’avenir économique mondial, abonnez-vous à votre Revue mensuelle :