Sommaire
Créé en 2006, le groupe BRICS, qui réunit le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, est une alliance économique et politique entre cinq grandes économies émergentes représentant une part croissante du commerce et du produit intérieur brut (PIB) mondial.
Le groupe a été formé avec l’objectif initial de promouvoir une coopération économique, financière et commerciale renforcée entre ces nations, tout en remettant en question la domination des institutions occidentales comme le G7, le FMI et la Banque mondiale.
Avec l’élargissement récent à d’autres membres, les BRICS cherchent à jouer un rôle majeur dans la transformation du paysage géopolitique et économique mondial, notamment en s’opposant à l’hégémonie du dollar américain.
Pour comprendre les enjeux actuels et futurs des BRICS, il est essentiel de revenir sur son histoire, ses contributions économiques et son avenir prometteur.
Histoire des BRICS
Genèse du groupe (2006-2010)
Le terme « BRIC » a été popularisé par l’économiste de Goldman Sachs, Jim O’Neill, en 2001. Il prévoyait que ces quatre pays deviendraient des moteurs clés de la croissance mondiale au cours des décennies à venir. En 2006, lors d’une réunion en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies, les quatre pays fondateurs (Brésil, Russie, Inde et Chine) ont décidé de former un groupe pour mieux coordonner leurs politiques économiques. Ce groupe est officiellement devenu une entité lors de leur première réunion de haut niveau à Ekaterinbourg, en Russie, en 2009.
Évolution des membres : de BRIC à BRICS
L’Afrique du Sud a rejoint les BRIC en 2010, transformant le groupe en BRICS. Ce nouvel ajout a permis d’inclure une représentation du continent africain, renforçant ainsi la légitimité géopolitique du groupe. Avec la participation de l’Afrique du Sud, les BRICS ont pu se positionner comme un acteur représentant un large éventail de régions du monde : l’Amérique latine, l’Europe, l’Asie du Sud, l’Asie de l’Est et l’Afrique.
Le groupe s’est engagé à réformer les institutions financières mondiales, à encourager un commerce mutuellement avantageux et à promouvoir un développement durable. Chaque membre des BRICS apporte un poids unique au groupe en raison de ses spécificités économiques et politiques.

Rôle économique des BRICS
Contribution des BRICS à l’économie mondiale
Les BRICS représentent environ 42 % de la population mondiale et 30 % du PIB mondial en parité de pouvoir d’achat (PPA). Ensemble, ils forment une force économique capable de rivaliser avec les grandes économies occidentales. L’une des principales forces du groupe réside dans la diversité de ses ressources naturelles, industrielles et financières.
- Chine : Avec son rôle de moteur de l’économie mondiale, la Chine représente environ deux tiers du PIB du groupe. Son dynamisme économique et ses immenses capacités industrielles lui confèrent une position centrale au sein des BRICS.
- Inde : Grâce à une croissance rapide, l’Inde devient un acteur incontournable dans les secteurs technologiques et industriels. Son importance réside également dans sa démographie, avec une population qui devrait dépasser celle de la Chine d’ici quelques années.
- Russie : Étant un des plus grands producteurs d’énergie au monde, la Russie joue un rôle clé dans la fourniture de ressources énergétiques au groupe. Cependant, les sanctions économiques en raison de la guerre en Ukraine affectent son influence.
- Brésil : Avec une économie diversifiée basée sur l’agriculture, l’énergie et les matières premières, le Brésil apporte un leadership stratégique en Amérique latine.
- Afrique du Sud : Bien que son économie soit plus modeste, l’Afrique du Sud est la porte d’entrée du continent africain, riche en ressources et en potentiel de croissance.
Défis économiques internes
Bien que les BRICS soient un bloc économique puissant, ils sont confrontés à plusieurs défis internes :
- Les disparités économiques : les niveaux de développement économique sont très disparates, allant de la Chine, une superpuissance économique, à l’Afrique du Sud, une économie émergente avec des problèmes de chômage élevés.
- Les différences géopolitiques : les relations entre l’Inde et la Chine restent tendues, notamment en raison de différends territoriaux, ce qui complique la coordination politique au sein du groupe.
- La croissance inégale : si la Chine et l’Inde continuent de croître rapidement, la Russie et le Brésil connaissent une stagnation économique ou une récession à cause de la volatilité des matières premières et des sanctions.
Influence sur le commerce international
Les BRICS jouent un rôle croissant dans le commerce mondial. Ils cherchent à réduire leur dépendance vis-à-vis du dollar américain en utilisant de plus en plus leurs monnaies nationales pour les échanges commerciaux.
Lors du sommet des BRICS de 2023, plusieurs accords ont été signés pour créer des systèmes de paiement alternatifs, avec l’ambition d’établir un système financier moins dépendant des fluctuations de la Réserve fédérale américaine.

Les pays membres des BRICS
Chine : moteur économique du groupe
La Chine est sans conteste la locomotive des BRICS. Sa stratégie d’expansion économique à travers des initiatives comme la « Belt and Road Initiative » (la nouvelle route de la soie) renforce son influence non seulement au sein des BRICS, mais aussi sur la scène mondiale. L’intégration croissante de la Chine avec les autres membres des BRICS est cruciale pour la solidité du groupe, notamment en ce qui concerne la création de nouvelles plateformes financières.
Russie : un acteur clé malgré les sanctions
Bien que frappée par des sanctions économiques occidentales suite à l’invasion de l’Ukraine, la Russie conserve un rôle central dans le groupe. Sa position de grand exportateur de gaz et de pétrole lui permet de maintenir une influence significative. Cependant, ces sanctions posent des défis majeurs pour l’économie russe et compliquent ses relations avec certaines institutions financières mondiales.
Inde : un marché émergent stratégique
L’Inde se distingue par sa population jeune et croissante ainsi que son développement rapide dans les secteurs technologique et industriel. Son adhésion aux BRICS lui permet de renforcer ses partenariats économiques, notamment avec la Chine et la Russie, tout en développant des liens commerciaux avec l’Afrique et l’Amérique latine.
Brésil : leadership en Amérique latine
Le Brésil, doté de vastes ressources naturelles, est un acteur stratégique en Amérique latine. Sous la direction de Lula da Silva, le Brésil tente de renforcer sa position au sein des BRICS et de revitaliser son économie après des années de stagnation. Le rôle du Brésil est également crucial pour l’orientation politique des BRICS vers une plus grande intégration économique avec d’autres pays émergents d’Amérique latine.
Afrique du Sud : porte d’entrée vers l’Afrique
L’Afrique du Sud est le seul représentant africain dans les BRICS, et elle joue un rôle clé pour favoriser les relations économiques entre l’Afrique et les autres membres. Cependant, elle fait face à de nombreux défis économiques internes, tels que des taux de chômage élevés et une faible croissance.

Défis géopolitiques des BRICS
Tensions sino-indiennes
L’un des défis géopolitiques majeurs au sein des BRICS réside dans la relation complexe entre la Chine et l’Inde. Ces deux nations, bien que partenaires dans le cadre des BRICS, sont en conflit sur plusieurs questions frontalières, notamment dans la région du Ladakh. Les tensions entre ces deux géants économiques sont exacerbées par des affrontements militaires, comme ceux survenus en 2020 dans la vallée de Galwan, qui ont provoqué une escalade des tensions et ralenti la coopération bilatérale. Malgré ces différends territoriaux, les deux pays continuent de collaborer au sein des BRICS et d’autres forums internationaux comme le G20, mais ces tensions créent des obstacles à une intégration politique plus profonde au sein du groupe.
Cette situation met en lumière une faiblesse des BRICS : la difficulté de surmonter les conflits internes pour maintenir une stratégie commune sur des questions économiques et géopolitiques. Alors que la Chine domine en termes de poids économique, l’Inde tente de maintenir une autonomie stratégique, notamment en développant des relations avec les puissances occidentales. Ce double jeu rend la relation sino-indienne délicate, mais essentielle à la cohésion des BRICS.
Russie et l’Occident
Depuis le début de la guerre en Ukraine en 2022, la position de la Russie au sein des BRICS est devenue plus complexe. Soumise à des sanctions économiques de la part des États-Unis et de l’Union européenne, la Russie a renforcé ses liens avec la Chine et l’Inde pour compenser l’isolement croissant de l’Occident. Moscou a intensifié ses exportations d’énergie vers ces deux pays, augmentant ainsi sa dépendance économique vis-à-vis de ses partenaires au sein des BRICS. Cependant, cette dépendance pose un risque, car elle pourrait limiter la capacité de la Russie à influencer la stratégie économique du groupe.
D’un autre côté, cette situation renforce le rôle des BRICS comme un bloc capable de s’opposer aux sanctions économiques occidentales. Les échanges entre la Russie, l’Inde et la Chine, notamment dans les secteurs du gaz et du pétrole, montrent la résilience du groupe face aux pressions internationales. Néanmoins, la crise ukrainienne a aussi révélé les divergences d’intérêt entre les membres des BRICS : si la Chine soutient la Russie, l’Inde se montre plus prudente, préférant maintenir des relations équilibrées avec les États-Unis et l’Europe.

Impact des BRICS sur les institutions internationales
Les BRICS, en tant que groupe économique, cherchent à transformer les institutions internationales dominées par l’Occident. Leur objectif est de réformer des organisations comme le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale pour mieux refléter le poids croissant des économies émergentes dans le monde. Cette ambition repose sur le constat que les structures actuelles ne représentent pas de manière adéquate les intérêts des pays du Sud global.
L’une des réponses des BRICS à cette domination occidentale a été la création de la Nouvelle Banque de Développement (NBD) en 2014, basée à Shanghai. Cette institution a pour objectif de financer des projets d’infrastructures dans les pays en développement, concurrençant directement la Banque mondiale et les banques de développement régionales. Depuis sa création, la NBD a déjà financé des projets en Inde, en Afrique du Sud et au Brésil, renforçant ainsi l’influence des BRICS sur les pays en développement.
En ce qui concerne les institutions commerciales, les BRICS défendent un commerce mondial plus équitable et ont plaidé pour la réforme de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Ils s’opposent aux mesures protectionnistes prises par certains pays développés, qui freinent les échanges avec les économies émergentes. Ainsi, les BRICS se positionnent comme un moteur de changement dans le système économique international, même si leur influence reste limitée par les réticences des pays développés.
En parallèle, les BRICS militent pour une réforme du Conseil de sécurité des Nations Unies afin de donner plus de pouvoir aux pays émergents. Actuellement, seule la Chine dispose d’un siège permanent avec droit de veto. L’Inde, qui aspire à rejoindre ce cercle restreint, voit dans les BRICS un instrument diplomatique pour promouvoir cette réforme. Toutefois, cette initiative se heurte à l’opposition des États-Unis et d’autres membres permanents du Conseil, ce qui limite pour l’instant les perspectives de réforme.

L’intégration économique entre les membres des BRICS
Coopération commerciale et financière
L’intégration économique entre les membres des BRICS repose sur une série d’accords bilatéraux et multilatéraux qui visent à renforcer les échanges commerciaux et les investissements. La création de corridors économiques, tels que le corridor économique entre la Russie et la Chine, est un exemple de coopération concrète. Ces initiatives permettent d’améliorer les infrastructures, de faciliter le commerce et de dynamiser les économies locales.
Les membres des BRICS ont également signé des accords pour augmenter l’utilisation des monnaies nationales dans les échanges commerciaux, réduisant ainsi leur dépendance vis-à-vis du dollar américain. Cette initiative est essentielle pour les BRICS, qui cherchent à s’affranchir des fluctuations monétaires liées aux politiques économiques américaines. L’un des exemples les plus notables est l’accord entre la Russie et la Chine, qui utilisent désormais le yuan et le rouble pour une grande partie de leurs transactions énergétiques.
Secteurs stratégiques de coopération
Les secteurs clés de coopération au sein des BRICS incluent l’énergie, les infrastructures et l’agriculture. La Russie, principal exportateur d’énergie du groupe, fournit du gaz et du pétrole à la Chine et à l’Inde, créant ainsi des relations de dépendance stratégique. En retour, la Chine et l’Inde fournissent des biens manufacturés et des technologies à la Russie et à d’autres membres du groupe.
Dans le domaine agricole, le Brésil, en tant que principal exportateur de produits agricoles, joue un rôle majeur dans l’alimentation des pays membres des BRICS, notamment la Chine, qui importe une grande quantité de soja brésilien. Cette interdépendance entre les pays des BRICS est un élément central de la stratégie d’intégration économique du groupe, qui cherche à créer un réseau de commerce interne solide et résistant aux chocs extérieurs.

Nouveaux membres des BRICS+ et enjeux
En août 2023, lors du sommet de Johannesburg, les BRICS ont annoncé l’intégration de six nouveaux membres : l’Argentine, l’Égypte, l’Éthiopie, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et l’Iran. Cet élargissement, prévu pour janvier 2024, marque une nouvelle ère pour les BRICS, désormais appelés BRICS+.
L’apport des nouveaux membres
Les nouveaux membres apportent des ressources stratégiques supplémentaires, notamment dans le domaine de l’énergie avec l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et l’Iran. Ces pays sont de grands exportateurs de pétrole, ce qui renforce la position des BRICS sur le marché mondial des énergies fossiles. En intégrant ces nations, les BRICS élargissent leur capacité à influencer les prix mondiaux de l’énergie et à façonner l’avenir des marchés énergétiques.
L’Égypte et l’Éthiopie, quant à elles, apportent une perspective africaine supplémentaire au groupe, renforçant le rôle de l’Afrique du Sud en tant que pont vers le continent africain. L’Argentine, l’un des plus grands producteurs de matières premières agricoles, renforce la capacité du groupe à répondre aux besoins alimentaires de ses membres. Ensemble, ces nouveaux membres font des BRICS+ un bloc économique encore plus diversifié, tant en termes de ressources que de perspectives géopolitiques.
Défis d’intégration
Cependant, l’intégration de ces nouveaux membres ne se fera pas sans difficulté. Les pays des BRICS+ sont très hétérogènes, tant sur le plan économique que politique. Les disparités de développement entre l’Argentine, qui traverse une crise économique, et des puissances riches comme l’Arabie saoudite ou les Émirats arabes unis, posent des défis pour la coordination économique. De plus, les relations tendues entre l’Iran et certains pays du Golfe pourraient compliquer la coopération politique au sein du groupe.
L’intégration réussie des BRICS+ dépendra de la capacité du groupe à surmonter ces défis tout en maintenant son objectif de créer un ordre économique mondial plus multipolaire.

Stratégie de dédollarisation : perspectives 2024
L’une des ambitions les plus audacieuses des BRICS est de réduire leur dépendance vis-à-vis du dollar américain dans les échanges commerciaux. Cette stratégie de dédollarisation est devenue un objectif prioritaire depuis 2020, lorsque les États-Unis ont commencé à utiliser le dollar comme arme économique, notamment par le biais de sanctions financières contre des pays comme la Russie.
Utilisation des monnaies nationales
Depuis lors, les BRICS ont intensifié leurs efforts pour promouvoir l’utilisation des monnaies nationales dans leurs échanges commerciaux. La Russie et la Chine ont conclu plusieurs accords pour échanger du gaz et du pétrole en yuan et en rouble, contournant ainsi le système financier international dominé par le dollar. De plus, l’Inde a commencé à accepter le paiement en roupies pour ses exportations vers la Russie.
L’Inde, la Chine et le Brésil ont tous exprimé leur intérêt pour l’idée d’une monnaie commune des BRICS, qui permettrait de stabiliser les échanges intra-BRICS et de réduire encore davantage la dépendance au dollar. Toutefois, ce projet reste à l’état de proposition, en raison des difficultés techniques et politiques liées à la création d’une monnaie commune.
Avantages et défis de la dédollarisation
La dédollarisation offre plusieurs avantages aux BRICS. Elle réduit leur exposition aux fluctuations des politiques monétaires américaines et protège leurs économies des sanctions financières. De plus, elle renforce la souveraineté économique des membres des BRICS, en leur permettant de contrôler davantage leurs propres transactions financières.
Cependant, la mise en œuvre de cette stratégie rencontre des obstacles. Le manque d’infrastructures financières communes et les disparités économiques entre les membres des BRICS compliquent la transition vers un système basé sur les monnaies nationales. De plus, la domination du dollar sur les marchés mondiaux reste forte, et il est peu probable que les BRICS puissent complètement échapper à son influence à court terme.
Conclusion
Les BRICS sont passés d’un simple acronyme à un acteur majeur de la scène économique et politique mondiale. Avec l’intégration de nouveaux membres en 2024, le groupe, désormais appelé BRICS+, représente une force capable de remodeler l’ordre économique mondial en réduisant la domination des institutions occidentales. Toutefois, les défis économiques et géopolitiques internes, ainsi que la diversité des intérêts des membres, continueront de poser des obstacles à leur cohésion.
L’avenir des BRICS repose sur leur capacité à intégrer efficacement leurs nouveaux membres, à poursuivre leur stratégie de dédollarisation et à renforcer leur influence sur les institutions internationales. Dans un monde en pleine transformation géopolitique, les BRICS se positionnent comme un acteur clé dans la construction d’un nouvel ordre multipolaire, mais le chemin vers cet objectif reste semé d’embûches.
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Sources :
- Les Yeux du Monde : « Sommet des BRICS : vers une nouvelle architecture multipolaire ? »
- Le Grand Continent : « BRICS+ : vers un nouvel ordre économique mondial ? »
- RFI : « Les Brics en quête d’un nouvel ordre mondial »
- Géoconfluences : « Les BRICS passent de 5 à 10 membres et deviennent les BRICS+ »
- Banque de France : « Élargissement des BRICS : quelles conséquences potentielles pour l’économie mondiale ? »
- The Craddle : « Bienvenue aux BRICS 11 »
- The Craddle : « Au revoir G20, bonjour BRICS+ »
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