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EXCLUSIF : LES 50 ORGANISATIONS À ABSOLUMENT CONNAITRE DU COMPLEXE INDUSTRIEL DE LA CENSURE

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Rapport sur le complexe industriel de la censure - Taibbi et ses collègues mettent en évidence les 50 organisations les plus importantes à connaître.

Introduction de Matt Taibbi

Le 17 janvier 1960, le président sortant et ancien commandant suprême des forces alliées, Dwight D. Eisenhower, a prononcé l’un des discours les plus importants de l’histoire américaine.

Pendant huit ans, Eisenhower a été un président populaire, dont l’attrait reposait sur la réputation d’une personne d’une grande force morale qui avait mené les États-Unis à la victoire dans une lutte existentielle pour la survie, durant la Seconde Guerre mondiale.

Néanmoins, alors qu’il s’apprête à quitter le bureau ovale pour laisser place au jeune et séduisant John F. Kennedy, il avertit le pays qu’il est désormais à la merci d’un État profond qu’il ne pourra pas vaincre.

Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, l’Amérique n’avait pas d’industrie permanente de fabrication d’armes.

Aujourd’hui, c’est le cas, et Eisenhower nous a rappelé à quel point ce secteur possède tout le soutien culturel, financier et politique dont il a besoin pour devenir énorme.

Dwight D. Eisenhower déclara en son temps :

« Cette conjonction d’un immense établissement militaire et d’une grande industrie d’armement est nouvelle dans l’expérience américaine. »

Dans les conseils de gouvernement, nous devons nous prémunir contre l’acquisition d’une influence injustifiée, qu’elle soit recherchée ou non, par le complexe militaro-industriel. Le risque d’une montée désastreuse d’un pouvoir mal placé existe et persistera.  ;

Nous ne devons jamais laisser le poids de cette combinaison mettre en danger nos libertés ou nos processus démocratiques… Seuls des citoyens vigilants et bien informés peuvent obliger à harmoniser l’énorme appareil industriel et militaire de la défense avec nos méthodes et nos objectifs pacifiques, afin que la sécurité et la liberté puissent prospérer ensemble. 

– Dwight D. Eisenhower.

C’était l’avertissement le plus sérieux qui soit, mais la presse populaire a eu tendance à l’ignorer.

Après plus de soixante ans, la majeure partie de l’Amérique – y compris la majeure partie de la gauche américaine, qui s’est traditionnellement concentrée sur cette question – a perdu sa crainte que notre industrie de l’armement puisse conquérir la démocratie de l’intérieur.

Aujourd’hui, cependant, nous avons malheureusement trouvé des raisons de reconsidérer l’avertissement d’Eisenhower.

Alors que la population civile n’a commencé à se plaindre que depuis quelques années des incidents de « déplatforming » impliquant des personnalités comme Alex Jones et Milo Yiannopoulos, les agences gouvernementales avaient déjà avancé depuis longtemps une nouvelle théorie des conflits internationaux, dans laquelle le paysage de l’information est davantage considéré comme un champ de bataille que comme un forum pour l’échange d’idées.

Dans cette optique, les publicités « spammy« , les informations « poubelles » et le partage du travail « d’agents de désinformation » comme Jones, ne sont pas des caractéristiques inévitables d’un internet libre, mais des débouchés pour une nouvelle forme de conflit appelée « guerre hybride ».

En 1996, alors que l’internet commençait à faire partie de la vie quotidienne des Américains, l’armée américaine a publié le « Field Manual 100-6« , qui parlait d’un « domaine d’information en expansion appelé Global Information Environment » qui contenait « des processus et des systèmes d’information échappant à l’influence directe de l’armée ». Les commandants militaires devaient comprendre que la « domination de l’information » dans le « GIE » serait désormais un élément essentiel pour « opérer efficacement ».

Nous entendons souvent dire que les « opérations d’information » ne sont pratiquées que par les ennemis de l’Amérique, parce que seuls les ennemis de l’Amérique sont suffisamment bas et dépourvus de puissance de feu réelle pour nécessiter l’utilisation de telles tactiques, puisqu’ils doivent « dépasser les limites militaires« . Nous entendons rarement parler de la longue histoire de l’Amérique en matière de « mesures actives«  et de « opérations d’information« , mais les médias populaires nous donnent l’occasion de lire les tactiques désespérées de l’ennemi asiatique, qui est toujours décrit comme une sorte de tricheur incurable au golf transcontinental.

En effet, une partie de la nouvelle manie entourant la « guerre hybride » est l’idée que, alors que l’être humain américain est habitué à vivre dans des états clairs de « guerre » ou de « paix », le citoyen russe, chinois ou iranien est né dans un état de conflit constant, où la guerre est toujours en cours, qu’elle soit déclarée ou non. Face à de tels adversaires, le paysage informationnel « ouvert » de l’Amérique n’est guère plus qu’une faiblesse militaire.

En mars 2017, lors d’une audition de la commission des services armés de la Chambre des représentants sur la guerre hybride, le président Mac Thornberry a commencé par quelques remarques de mauvais augure, suggérant que dans le contexte plus large de l’histoire, une Amérique construite sur des principes constitutionnels de décentralisation du pouvoir pourrait avoir été mal conçue :

« Les Américains sont habitués à penser dans un état binaire de guerre ou de paix. C’est ainsi que nos organisations, notre doctrine et nos approches sont conçues. D’autres pays, dont la Russie, la Chine et l’Iran, utilisent un éventail plus large d’instruments de pouvoir et d’influence nationaux centralisés ou au moins dirigés pour atteindre leurs objectifs…

Qu’il s’agisse de contributions à des partis politiques étrangers, d’assassinats ciblés d’opposants, d’infiltration de personnel sans uniforme comme les petits hommes verts, de médias traditionnels et de médias sociaux, d’opérations d’influence ou d’activités cybernétiques, toutes ces tactiques et d’autres encore sont utilisées pour promouvoir leurs intérêts nationaux et, le plus souvent, pour nuire aux intérêts nationaux des États-Unis…

L’histoire suggère que la guerre hybride, sous une forme ou une autre, pourrait bien être la norme des conflits humains, plutôt que l’exception.

– Président Mac Thornberry.

À peu près au même moment, c’est-à-dire peu après l’élection de Donald Trump, les futurs dirigeants du « complexe industriel de la censure » commençaient à réaliser que l’ingérence « d’acteurs étrangers malveillants » et les vicissitudes de la politique intérieure occidentale devaient être liées. 

Des courriels de John Podesta aux victoires de Trump dans les primaires de la Rust Belt en passant par le Brexit, tout devait être compris d’abord et avant tout comme des événements de guerre hybride.

C’est pourquoi le scandale Trump-Russie aux États-Unis restera probablement dans les mémoires comme un moment crucial de l’histoire du XXIe siècle, même si l’enquête a superficiellement mis fin à une non-histoire, une fake news en soi.

Ce que l’enquête Mueller n’a pas accompli en évinçant Trump du pouvoir, elle l’a accompli en donnant naissance à une vaste nouvelle bureaucratie publique-privée consacrée à l’arrêt de la « mis-, dis-, et malinformation« , tout en facilitant l’acquiescement du public à l’émergence d’une série de nouvelles agences gouvernementales ayant des missions de « guerre de l’information ». 

Le président Eisenhower et son sucesseur John F. Kennedy, le 6 décembre 1960 à la Maison Blanche. (AP/SIPA / AP)

Le président Eisenhower et son sucesseur John F. Kennedy,
le 6 décembre 1960 à la Maison Blanche. (AP/SIPA / AP)

Le « complexe industriel de la censure » n’est que le complexe militaro-industriel qui renaît à l’ère de la « guerre de l’information » sous sa forme hybride

À l’instar de l’industrie de la guerre, qui se qualifie volontiers de secteur de la « défense », le complexe « anti-désinformation » se présente comme une simple défense, destinée à repousser les attaques hostiles des cyberadversaires étrangers qui, contrairement à nous, ont des « limites militaires ».

Cependant, le CPI : Complexe Militaro Industriel n’est ni entièrement axé sur la défense, ni même principalement axé sur la « désinformation » étrangère.

Il s’agit plutôt d’un système de messagerie unifié et implacable destiné principalement aux populations nationales, à qui l’on dit que la discorde politique au sein du pays favorise l’attaque hybride non déclarée de l’ennemi contre la démocratie, la manière de créer et entretenir l’opposition contrôlée.

Ils suggèrent que nous devons repenser les anciennes conceptions des droits et nous soumettre à de nouvelles techniques de surveillance telles que « la surveillance de la toxicité« , remplacer l’ancienne presse libre avec des rédacteurs prétendant avoir un « flair pour les nouvelles » par un modèle actualisé qui utilise des outils d’assignation automatisés tels que « extraction d’informations dignes d’intérêt« , et se soumettre à des mécanismes de contrôle de la pensée tels que la « méthode de redirection », qui envoie des publicités aux navigateurs en ligne dont le contenu n’est pas sûr, en les poussant vers des « messages alternatifs constructifs« .

Tout cela est lié à un engagement en faveur d’une nouvelle politique homogène, que le complexe d’agences publiques et privées énumérées, ci-dessous cherche à capturer dans quelque chose comme une théorie des champs unifiée du récit néolibéral, qui peut être perpétuellement modifiée et amplifiée en ligne grâce à des algorithmes et à l’apprentissage automatique.

C’est ce que certaines des organisations figurant sur cette liste veulent dire lorsqu’elles parlent de développer un « vocabulaire partagé » de l’encombrement de l’information, de la « crédibilité » ou de « l’éducation aux médias« .

Glossaire partagé
Harvard University

Les groupes de lutte contre la désinformation parlent sans cesse de renforcer la « résilience » mais c’est de l’obédiance à la désinformation (ce qui, en pratique, signifie s’assurer que le public entend des récits approuvés si souvent que toute autre chose semble effrayante ou répugnante), et le public est formé à remettre en question non seulement la nécessité de contrôles et de contrepoids, mais aussi la nécessité de la concurrence.

La concurrence est de plus en plus mal vue, non seulement sur le « marché des idées » (une idée elle-même de plus en plus décrite comme dépassée), mais aussi dans le sens capitaliste traditionnel.

Dans les dossiers Twitter, nous trouvons régulièrement des documents tels que cette étude non signée sur la « sphère d’influence » diffusée par le Carnegie Endowment, qui se demande à voix haute si les entreprises technologiques ont vraiment besoin de se faire concurrence pour « bien faire les choses » :

Carnegie Endowment

Traduction :

2) Évolution des politiques de lutte contre les opérations d’influence – plates-formes, gouvernements, société civile :

a) Plateformes :

  • i) Twitter a commencé à étiqueter des messages individuels comme manquant de crédibilité. De même, Facebook et YouTube ont envisagé d’étiqueter les messages en fonction du parrainage gouvernemental ou du contrôle éditorial exercé sur l’organe de publication. En outre, Twitter a réagi de manière plus radicale à un incident spécifique (les histoires de l’ordinateur portable de Hunter Biden). Cette dernière réaction est rare, mais elle a déclenché une conversation sur les réponses à apporter.
    (1) L’étiquetage a suscité la controverse, qu’il soit appliqué ou non. L’efficacité de cette mesure est également difficile à quantifier et certaines de ces mesures peuvent nécessiter une main-d’œuvre importante.
  • ii) La concurrence pour les meilleures pratiques est-elle une bonne chose ? Est-il bon ou mauvais que Facebook et Twitter aient des politiques différentes ? La concurrence pour « bien faire les choses » est-elle en fait une bonne incitation ? Là encore, il est très difficile de mesurer l’impact de la concurrence sur les politiques.

Au lieu de la concurrence, les groupes que nous avons suivis favorisent le concept de « joint ventures » (un groupe britannique a même lancé un programme « Shared Endeavour » – « Effort Partagé »), dans lequel les principales « parties prenantes » règlent leurs désaccords en privé, mais présentent un front uni.

Qui sont les leaders de ces campagnes de communication ?

Si vous souhaitez poser la question, les groupes ci-dessous sont un bon point de départ :

  • La « Liste des 50 premiers » se veut une ressource pour les journalistes et les chercheurs qui commencent à s’intéresser à l’ampleur et à l’ambition du « complexe industriel de la censure ».
  • Rédigée comme un article de magazine, elle tente de répondre à quelques questions fondamentales sur le financement, le type d’organisation, l’histoire et, surtout, la méthodologie.

De nombreux groupes de « lutte contre la désinformation » adhèrent à la même approche de la recherche, utilisant souvent la même analyse de type « cartographie de la haine » et « culpabilité par association » pour identifier les penseurs erronés et les personnes répressives.

Il y a même une tendance à utiliser ce qu’une source des Fichiers Twitter a décrit comme les mêmes graphiques « en boule de poils » [La boule de poils montrant des connexions si denses qu’elles ne peuvent pas être visualisées de manière utile, ces graphiques n’étant que des indicateurs de tendances.]

Là où ils rivalisent, c’est souvent dans le domaine du verbiage charabia, c’est à dire leur sémantique décrivant leurs méthodes analytiques respectives.

Mon préféré est celui des Public Good Projects, qui, dans une démonstration de compétences prédictives rappelant le « Titanic insubmersible », et qui se décrit comme le « Buzzfeed de la santé publique. » 

Ensemble, ces groupes réalisent rapidement ce qu’Eisenhower craignait :

L’élimination de l' »équilibre » entre le besoin démocratique de libéraliser les lois et les institutions et la vigilance nécessaire à la préparation militaire. La société démocratique a besoin de se nourrir de débats libres, de désaccords et de tensions intellectuelles, mais les groupes ci-dessous recherchent plutôt un « vocabulaire commun » à déployer sur le champ de bataille hybride. Ils se proposent d’être les gardiens de ce « vocabulaire », ce qui ressemble beaucoup au scénario qu’il avait esquissé en 1961, et dans lequel « la politique publique pourrait elle-même devenir la captive d’une élite scientifique et technologique ».

Sans plus attendre, voici une présentation des principaux acteurs de ce « CIC :
Community Interest Company – Société d’intérêt communautaire »

1. Information Futures Lab (IFL) à l’université de Brown (anciennement First Draft)

Lien https://sites.brown.edu/informationfutures/ / https://First Draftnews.org/

Type : Un institut universitaire, hébergé au sein de l’École de santé publique, pour lutter contre la « désinformation » et les « pratiques de communication dépassées ». Successeur de First Draft, l’une des premières et des plus importantes organisations de lutte contre la désinformation.

Vous en avez peut-être entendu parler quand : pour la première fois les termes Mis-, dis-, et misinformation. Ce terme a été inventé par Claire Wardle, directrice de FD.

L’IFL/FD est également la seule organisation universitaire/à but non lucratif impliquée dans la Trusted News Initiative, un consortium à grande échelle de médias grand public créé pour suivre le débat autour de la réponse à la pandémie. Mme Wardle a été la première à être sélectionnée par les dirigeants de Twitter pour faire partie d’un groupe de conseillers en matière de lutte contre la désinformation.

Elle a également participé à la table ronde Hunter Biden sur les ordinateurs portables organisée par l’Aspen Institute en août 2020 (avant que l’affaire des ordinateurs portables n’éclate). La cofondatrice de l’IFL Stefanie Friedhoff fait partie de l’équipe d’intervention Covid-19 de la Maison Blanche. Les membres du personnel de First Draft ont également été révélés dans les #TwitterFiles comme étant des partenaires fréquents et de confiance d’un éminent visage public du complexe industriel de la censure,  Renee DiResta, aujourd’hui de l’Université de Stanford.

Ce que nous savons sur le financement : First Draft a été financé par un grand nombre d’entités, dont Craig Newmark, Rockefeller, la National Science Foundation, Facebook, la Fondation Ford, Google, la Knight Foundation, le Wellcome Trust, l’Open Society Foundations, etc. Le financement de l’IFL comprend la Fondation Rockefeller pour une initiative de « construction de la demande de vaccins« .

Ce qu’ils font/ce qu’ils vendent : IFL/First Draft se positionne comme l’avant-garde des études sur la désinformation, agissant en tant que conseillers clés pour les médias, la technologie et les consortiums de santé publique, réunissant un large éventail de compétences académiques.

Citations de caractéristiques/de visions du monde : Utilisation fréquente de termes tels que comportement inauthentique coordonnépollution de l’information, les futurs mots-clés de la sécurité intérieure mis-, dis-, et malinformation, et désordre de l’information.

Verbiage charabia / sémantique : « La technique d’inoculation la plus accessible est le prebunking – le processus de démystification des mensonges, des tactiques ou des sources avant qu’ils ne frappent« .

Lien avec les Twitter Files : First Draft figure en bonne place dans les dossiers. Ils ont été le premier nom proposé lorsque Twitter a décidé de réunir un petit groupe de « personnes de confiance pour parler de ce qu’elles voient », ont fait partie du tabletop Burisma de l’Institut Aspen, et sont apparus dans de multiples mails avec des fonctionnaires du Pentagone

mails avec des fonctionnaires du Pentagone.

Traduction : « Je propose également que ces personnes soient les premières à qui nous donnerons notre alias de courriel « voir quelque chose, dire quelque chose » (à confirmer sur le nom/processus). Merci Nick »

Graphique « boule de poil » : 

Le discours sur les vaccins dans les médias sociaux : un guide des narratifs.

Traduction : « Le discours sur les vaccins dans les médias sociaux : un guide des narratifs. »

Etroitement lié à : Presque tous les leaders du CIC, y compris le Stanford Internet Observatory, la Trusted News Initiative, le Shorenstein Center, DFRLabs, le World Economic Forum, l’Aspen Institute, Meedan, et Bellingcat.

En résumé : Grâce à sa forte capacité à connaître et à orienter les tendances émergentes et à son large éventail de réseaux d’élite, l’IFL continue à jouer un rôle de premier plan dans le domaine de la « lutte contre la désinformation ».

2. Meedan

Lien : https://meedan.com/

Type: Société à but non lucratif de taille moyenne spécialisée dans la technologie et la lutte contre la « désinformation ».

Vous avez peut-être entendu parler d’eux quand : Meedan a mené une série d’initiatives de désinformation Covid-19 « pour soutenir les efforts de vérification des faits en cas de pandémie » grâce à un financement de BigTech, de la Fondation Omidyar, de la National Science Foundation et d’autres organismes.