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CHINE : NOUVEAU CENTRE MONDIAL DE L’ESPIONNAGE DE MASSE (2/2)

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Chine et surveillance généralisée

Introduction

Le monde voit émerger deux Internet distincts selon Eric Schmidt, ancien PDG de Google : un Internet chinois dirigé par Pékin et un Internet planétaire dirigé par les États-Unis. Actuellement, le Parti Communiste Chinois (PCC) utilise et perfectionne son réseau Internet en interne, mais l’expansion internationale de nouveaux produits et services haut de gamme asiatique commence à concurrencer le monopole de la Silicon Valley dans le monde. Cette ambition exportatrice subit des blocages des instances de régulations, des gouvernements et des services de renseignement occidentaux. Ils justifient leur méfiance des produits chinois à travers des soupçons d’espionnage de Pékin. Si le phénomène peut être tout à fait réel [cf. Partie 1], l’étonnante ampleur médiatique sur le sujet est suspecte : il s’agit avant tout d’une guerre économique pour empêcher la République populaire de Chine de s’imposer dans la technologie 5G et de voler les parts du fructueux et déterminant marché des smartphones et autres objets connectés.

Mais revenons à la politique intérieure. Grâce aux Big data, à l’intelligence artificielle (IA) et à la surveillance Web, le gouvernement chinois se dote d’une stratégie numérique à faire pâlir le startupper californien moyen. À tel point que la politique intérieure chinoise actuelle tend à la dystopie finale des romans de science-fiction de la première moitié du XXe siècle. Alors que l’on pensait avoir tout vu avec la NSA américaine, pieuvre de l’espionnage mondial, ce serait en Chine que les citoyens seraient les plus surveillés au monde et ceci de façon totalement transparente. Scan d’iris, reconnaissance faciale, IA, géolocalisation… les nouvelles technologies sont la pierre angulaire de la surveillance de masse chinoise, amenant au pré-crime (le crime déjoué avant son exécution !) et au conditionnement minutieux de la population. Les stages de rééducation et autre lavage de cerveau en cours ou à venir reconditionneront le Chinois frondeur avant même qu’il commence à dévier de la ligne du Parti. Cette seconde partie de notre dossier consacrée à l’espionnage chinois est à appréhender sous l’angle de l’avenir de toutes les sociétés humaines : le modèle de profilage ultra rationalisé que nous allons décrypter est plus ou moins présent partout où une connexion Internet est possible.

BATX > GAFA ? La puissance des multinationales chinoises

Équivalent aux GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) américains, les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi) sont des entreprises chinoises tout aussi puissantes, sinon plus, en termes de prouesses technologiques et de valorisation boursière. Leurs atouts doivent être appréhendés sous l’angle démographique, car ces entreprises plutôt locales touchent une partie conséquente des individus peuplant le monde (à peu près 19 %, des 7,5 Mds d’êtres humains). L’empire du Milieu renferme effectivement 1,4 Mds d’individus dans le 3e pays le plus vaste au monde. Entre 2008 et le deuxième trimestre 2018, la Chine a vu son nombre d’internautes passer de 253 millions à 802 millions (57,7 % des Chinois sont connectés). Pour le moment, la stratégie des BATX se concentre donc sur cet immense marché intérieur chinois et touche des domaines vastes de la reconnaissance faciale et vocale aux problématiques d’IA.

Alors que le moteur de recherche Google est interdit en terres chinoises, c’est son équivalent local généré par la société Baidu qui est en haut du podium des moteurs de recherche utilisés en Chine. L’accès au Web chinois passe donc par lui. Il s’agit du quatrième site le plus visité aumonde après Facebook, YouTube et Google. À l’instar du groupe US, Baidu investit dans la recherche sur l’IA et la voiture autonome. Huit années après avoir été banni de Chine, Google testerait une version de son moteur de recherche (nommée Dragonfly) conforme aux exigences de censure du Parti pour reconquérir le fructueux marché chinois (Deutsche Welle, 02/08/18). De quoi provoquer l’ire du progressiste démocrate, qui n’a toujours pas compris que le monde est régi par les droits de l’Homme d’affaires ; des centaines d’employés de Google ont effectivement signé une pétition contre ce retour en terre du Milieu. Ils n’ont pas dû bien comprendre pour qui ils travaillaient.

Baidu

​La plateforme e-commerce Alibaba compte aujourd’hui plus d’utilisateurs que sonalter ego Amazon et propose également des services liés à l’achat en ligne, comme son propre moyen de paiement (Alipay) ou son cloud (Alicloud). L’introduction en bourse du Chinois avait fait grand bruit en 2014, avec une cotation plus élevée que le géant du e-commerce US ; Alibaba est 7e au rang des entreprises de l’économie numérique en termes de valorisation boursière. Le mastodonte chinois revendique aujourd’hui le leadership mondial du commerce en ligne en cumulant plus de transactions qu’eBay et Amazon réunis. Alibaba prépare d’ailleurs sa montée en puissance en Europe. Plusieurs fois numéro 1 du classement Forbes des milliardaires russes les plus fortunés, Alicher Ousmanov a récemment réorienté une partie de ses actifs occidentaux vers l’est de l’Eurasie ; il s’est retiré de Facebook pour s’engager avec Alibaba Group. Ce fondateur et actionnaire majoritaire d’USM Holdings possède Metalloinvest (poids lourds de la métallurgie russe), la maison d’édition Kommersant et détient également des actifs dans la Compagnie minière du Baïkal (BGK), ainsi que la majorité des parts du géant des télécoms Megafon et du mastodonte d’Internet Mail.ru. 

Alibaba

​Tencent est un géant du e-service et de la publicité sur Internet. Il propose des jeux (Honor of Kings), un réseau social (QQ), une messagerie (WeChat) et divers services digitaux (musique, paiement…). Lancée en janvier 2011, WeChat est devenue une des applications multiservices pour mobile les pluspuissantes au monde. Tout-en-un, elle regroupe des services de paiements, d’e-commerce, de transport en commun… Elle est 7 fois plus rémunératrice que son alter ego américain WhatsApp, avec quasiment 1 Md d’utilisateurs actifs, principalement chinois, chaque mois (contre 2,1 milliards pour Facebook dans le monde), soit plus que l’ensemble de la population européenne (Géoéconomie n° 82, juin-juillet 2017, p.58 et p.64). Tencent a effectivement détrôné le rival Facebook (également banni du territoire chinois depuis 2009) pour rentrer dans le top dix mondial en devenant l’entreprise la plusvalorisée en bourse dans le domaine des réseaux sociaux (540 Mds $ de capitalisation).

Tencent

​Et enfin, Xiaomi, le « Apple asiatique », est la 2e startup la plus valorisée en bourse après Uber. La société produit des smartphones, des télévisions, des objets connectés, et a l’avantage de proposer des prix plus abordables que la marque à la pomme. Investissant dans le domaine de la maison connectée (ampoules connectées à la voix et autres volets connectés à venir), un partenariat avec le suédois Ikea a été annoncé en décembre 2018 pour le marché chinois d’abord et dans le reste du monde ensuite. 

Xiaomi

​Relevons également l’assise des Chinois SenseTime ou encore Face++, qui a battu les meilleures équipes de Google, Microsoft et Facebook lors du concours de reconnaissance d’images COCO 2017. L’entreprise chinoise de logiciels de reconnaissance vocale iFlyTek a également supplanté tous les Américains de DeepMind (Google), Facebook et Watson (IBM) dans le traitement du langage naturel. La traduction instantanée de la parole dans n’importe quelle langue est l’objectif à atteindre pour cette société. Sur le top 10 des entreprises des nouvelles technologies les plus puissantes du monde, 6 sont américaines (Amazon, Alphabet-Google, Microsoft, Apple, Boeing, et Berkshire Hathaway) et 4 sont chinoises (Tencent, Alibaba, Ping An Insurance et ICBM finance).

Vous l’avez compris, la stratégie chinoise paye : l’émergence de ces multinationales technologiques a été réalisable grâce à l’expulsion pure et simple de l’écrasante concurrence américaine. Allez dire cela au sbire d’État français chargé du Numérique, Mounir Mahjoubi, et à ses maîtres européens.

Jack Ma et Alibaba
Ma Yun dit Jack Ma, président d’Alibaba Group

Le Big data chinois

Rappelons que l’État central chinois doit gouverner un cinquième de la démographie planétaire au sein de ses frontières. Ceci lui donne un avantage non négligeable sur les États-Unis, avec un plus grand réservoir de données et peu d’obstacles (consenti et imposé) à leur captation. Bien que l’utilisation du smartphone soit courante en Occident, la population chinoise en a un usage supérieur, pour payer des factures, réserver des services, louer des biens et bien d’autres (Diplomatie Les grands dossiers n° 45, juin-juillet 2018, p.17). 65 % des internautes utilisent leur smartphone pour payer leurs achats dans la vie réelle (11 fois plus que les Américains), pour leurs courses par exemple et ce même dans les petites villes. Des startups d’IA et d’O2O (online-to-offline, système incitant les consommateurs dans un environnement numérique à faire des achats auprès d’entreprises physiques) émergent en masse.

Des atouts supplémentaires sont également à relever. Alors que la masse du Big data est généralement fragmentée à travers diverses plateformes et entreprises en Occident, des géants asiatiques comme Tencent ont réussi à créer des écosystèmes unifiés qui centralisent en un seul endroit la totalité des données d’un utilisateur. Des centaines de millions de caractéristiques comportementales d’un utilisateur peuvent donc être soumises à l’analyse algorithmique pour un profilage chirurgical. Des objets connectés supplémentaires, moins présents à l’Ouest, comme les vélos en libre-service (Ofo ou le Mobike) donnent des éléments supplémentaires aux entreprises chinoises pour exploiter les déplacements de chacun et ainsi cartographier les habitudes du citoyen (travail, loisir, supermarché…). Ceci, couplé à la reconnaissance faciale, donne la possibilité de faire correspondre le comportement des utilisateurs en ligne à leur monde physique. 

La croissance techno-scientifique chinoise

La Chine a fait de la puissance technologique un axe stratégique de développement et compte être à l’avant-garde de la quatrième révolution industrielle avec le programme Made in China 2025. Le projet lancé en 2013 se concentre sur la numérisation et la robotisation de l’industrie et de la société en général. Il s’agit du pendant asiatique de l’industrie 4.0 allemande, concept que nous avions traité dans un article précédemment. Il s’agit dorénavant de promouvoir l’innovation en terre du Milieu. Made in China 2025 a notamment pour ambition de doper le secteur des nouvelles technologies de l’information, des machines-outils à commande numérique, des robots, du matériel aéronautique et aérospatial, des équipements d’ingénierie océanique et de navires high-tech, des équipements ferroviaires, des véhicules à énergie nouvelle, des nouveaux matériaux, de la biologie pharmaceutique et des produits médicaux avancés, etc. Ceci représente environ 40 % de la capacité manufacturière du pays.

En juillet 2017, l’IA a été annoncée comme le moteur de la stratégie officielle émise par le Conseil d’État chinois. L’objectif est d’atteindre le leadership mondial de l’IA d’ici 2030, possible grâce à une culture profondément rationaliste qui limite les débats éthiques et les régulations que l’on peut voir en Occident. L’IA, qui sert notamment à automatiser le travail, imprègnera tous les domaines à partir de 2020 ; de la sécurité nationale aux armes autonomes, en passant par la santé et la smart city (ville intelligente utilisant les technologies de l’information et de la communication). Un rapport de CB Insights relève qu’en 2017, la Chine a accueilli 48 % des capitaux mondiaux investis dans l’IA, contre 38 % pour les USA et 13 % pour le reste du monde (Diplomatie – Les grands dossiers n° 47, octobre-novembre 2018, p.64).

La Chine a-t-elle déjà supplanté les USA en matière d’IA ?

Pour atteindre ses objectifs, Pékin s’est déjà doté d’un budget annuel de 22 Mds $ pour devenir leader de l’IA dès 2030, chiffre qui doit passer à 59 Mds $ d’ici 2025. Son objectif est de mettre sur pied d’ici une dizaine d’années une industrie de l’IA d’une valeur de 150 Mds $ pour devenir le premier centre d’innovation mondial d’ici 2030. Cette stratégie pourrait permettre une croissance du PIB chinois de 26 % d’ici cette échéance.

La compétition entre les États-Unis et la Chine est particulièrement féroce dans le champ de scientifique. Selon le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres), la République populaire talonne le géant américain dans ce domaine et s’impose même dans les nouveaux secteurs stratégiques. Alors que Pékin ne représentait qu’à peine 1 % des publications scientifiques mondiales en 1980, elle en génère 16,6 % en 2015 contre 20 % pour Washington. L’empire du Milieu se distingue particulièrement en mathématiques dans ses publications à hauteur de 19 %, contre 16 % pour les Américains en 2015. Dans le domaine de l’IA, elle est déjà en tête de file en termes de publications : 7 691 articles scientifiques ont été publiés en 2016 contre 6 345 aux USA et 2 570 au Japon.

La Chine a également atteint la deuxième place mondiale des dépenses en R&D (408,8 Mds $ dépensés en 2015 soit 21 % des dépenses totales mondiales) après les USA (26 % des dépenses totales mondiales). Entre 2000 et 2015, ces dépenses ont augmenté à un rythme moyen de 18 % par an en Chine, soit quatre fois plus qu’aux États-Unis (croissance de 4 % par an). L’empire du Milieu dépose le plus de brevets au monde et la part consacrée à la R&D par citoyen est la plus importante au monde (Diplomatie Les grands dossiers n° 44, avril-mai 2018, p.26). La formation de la main-d’œuvre chinoise est également en expansion avec un nombre de diplômés des sciences ou de l’ingénierie qui s’élève à 1,65 million en 2014 (359 000 seulement en 2000), contre 742 000 aux États-Unis (483 000 en 2000). Ces chiffres sont toujours à mettre en perspective avec la forte population chinoise.

Washington est particulièrement inquiet de l’usage militaire de l’IA chinoise. En réponse, le président exécutif d’Alphabet (holding de Google) a été nominé au Département de la Défense US (Conflits n° 17, avril-mai-juin 2018, p.59). Effectivement, la Chine pourrait devenir le leader mondial de l’IA plus tôt que prévu et cela provoque des frayeurs. En 2017, elle a plus investi dans des startups spécialisées dans l’IA que les États-Unis, selon une étude du cabinet CB Insight (février 2018). Un rapport du US House Oversight and Reform IT Subcommittee a suggéré que le pays asiatique allait dépasser les USA en termes de dépenses en R&D sur l’IA en fin 2018. 

Chine et nouvelles technologies

​Des limites technologiques majeures

Mais les prouesses technologiques chinoises restent à relativiser. Contrairement aux apparences, la Chine est encore loin de s’émanciper de la technologie américaine. Paradoxalement, ce pays leader mondial en termes de nombre de brevets déposés se fournit en puces électroniques haut de gamme chez les Américains, à hauteur de 90 % ! Ces puces made in USA sont utilisées pour les équipements chinois, notamment pour les infrastructures critiques. De même, plus de 90 % des systèmes centraux des industries clefs nationales (banque, énergie) fonctionnent avec Microsoft comme système d’exploitation. L’Internet mobile chinois est également divisé, comme partout ailleurs, entre Android (Google) et iOs (Apple), qui détiennent respectivement 87,2 % et 12,4 % du marché.

Selon l’Indice de développement des TIC de l’Union internationale des télécommunications, la Chine se classe à la 80e position mondiale en 2017 (note de 5,6) en termes de performances par rapport à l’infrastructure, à l’usage et aux compétences dans les TIC. Loin derrière les USA (8,18), le Japon (8,43) ou la Corée du Sud (8,85). Au niveau de l’indice de la cybersécurité, la Chine est à la 32e position mondiale, largement dépassée par les USA (2e) ou la France (8e).

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le PCC a du mal à s’émanciper de la technologie américaine à l’instar de nous autres ici-bas : un vrai problème stratégique pour nos sécurités nationales respectives. La Chine est d’ailleurs une cible de choix pour des pirates informatiques malveillants ; le pays étant souvent utilisé comme proxy pour des attaques informatiques contre d’autres pays, selon l’ancien DG de la DGSE, Bernard Barbier (Diplomatie Les grands dossiers n° 45, juin-juillet 2018, p.85, 86 et 87).

L’Internet chinois est un intranet

Le « Grand Firewall de Chine », soit la surveillance numérique gérée par le ministère de la Sécurité publique, a émergé dès 1998 pour assurer un contrôle strict du cyberespace chinois par blocage d’adresse IP, filtre DNS et URL. Les sites et autres applications largement développés dans le monde (YouTube, Facebook, WhatsApp, Telegram…) sont interdits en Chine et intelligemment remplacés par des équivalents locaux (WeChat, YouKu, WeiBo…). Aujourd’hui, tout contenu Web jugé trop éloigné des « valeurs socialistes fondamentales » peut être supprimé par l’agence gouvernementale China Netcasting Services Association. Les éléments concernant la religion ou une vision négative de la Chine peuvent être également concernés, ainsi que « les insultes à l’encontre du pays, le langage grossier, le contenu religieux, la violence explicite, toute référence sexuelle implicite ou explicite (y compris l’homosexualité et les vidéos éducatives), tout contenus abordant les jeux d’argent, la drogue, le tabagisme, et les vidéos montrant la mort d’espèces animales en voie de disparition ».

Alors que le cyberespace bouleverse la souveraineté territoriale des pays en permettant des échanges transfrontaliers quasi instantanés, la Chine a réalisé un tour de force inédit en y transposant ses frontières nationales. Cette ambition a réintroduit la régulation du Parti dans l’espace numérique chinois. Leur réseau Internet est donc conçu comme un Intranet construit autour de plusieurs points de connexion contrôlant les flux venant du cyberespace mondial. Il s’agit donc d’une nouvelle forme de frontière néanmoins pénible à maintenir au vu de la rapidité de circulation des données.

En évitant les câbles sous-marins passant par les États-Unis et permettant l’accès à Internet, Pékin s’affranchit petit à petit de la domination de ces derniers en déployant des câbles vers l’Europe, notamment par le Sud en contournant la Russie. Évoquons rapidement le câble sous-marin SeaMeWe 5, qui connecte l’Asie, le Proche Orient et l’Europe ; il est opérationnel depuis le printemps 2018 grâce à un partenariat entre 20 opérateurs, dont les trois titans publics chinois des télécoms (China Unicom, China Telecom et China Mobile). Le PCC est très attentif à la problématique de ces câbles hautement stratégiques et compte bien étendre sa souveraineté dans ce champ précis. 

Câble sous marin et internet chinois
Source: https://www.facebook.com/LeDessousDesCartes/photos/a.10156801754242990/10156801754312990/?type=3&theater

En plus de la régulation des frontières numériques, la nouvelle régulation chinoise sur la cybersécurité, entrée en vigueur le 1er juin 2017, est un puissant outil de protection des données de la nouvelle économie numérique chinoise et du réseau d’infrastructures sécurisé. Depuis son adoption, les infrastructures et plateformes d’hébergement étrangères doivent se restructurer ou migrer obligatoirement vers un partenaire chinois, sous peine de fermeture. Certains services en ligne se voient donc obligés de stocker les données de leurs utilisateurs sur le territoire communiste et donc collaborer de fait avec la ligne du Parti. Vu que les internautes chinois doivent révéler leur identité pour pouvoir poster des commentaires et participer à des forums en ligne, cette réglementation s’avère aussi être un outil de contrôle efficace de la population chinoise sur le territoire.

Skynet est chinois : la cybersurveillance du PCC

Pour arriver à de telles prouesses, les partenariats public-privé très intégrés s’avèrent une fois de plus être la stratégie la plus efficace pour les intérêts géoéconomiques d’un pays, au détriment des libertés individuelles dans ce cas. L’État central s’est doté d’un système anticorruption et de surveillance globale par reconnaissance faciale appelé Skynet. Dans le film américain Terminator, Skynet est le nom d’une IA créée pour automatiser la riposte nucléaire américaine en cas d’attaque. Cette IA s’automatise dans les différents films, pour finalement prendre le contrôle des missiles nucléaires et les lancer à tout va pour détruire l’humanité. On ne sait pas si les autorités chinoises avaient en tête cette drôle de référence au moment de baptiser leur système de surveillance, mais le parallèle mérite réflexion. Présent dans 16 provinces et villes chinoises, Skynet permet de repérer tout contrevenant, et ce jusqu’aux toilettes publiques de certaines villes sous vidéosurveillance pour éviter l’usage déraisonnable du papier (Diplomatie Les grands dossiers n° 45, juin-juillet 2018, p.18).

IA et terminator

​Dans le cadre de l’opération Colombe, plus de 30 agences gouvernementales et militaires chinoises utilisent des drones en forme de pigeons dans au moins cinq provinces (notamment dans la région sensible du Xinjiang). Ces oiseaux-espions mesurent environ 50 centimètres, pèsent 200 grammes, ont la capacité de voler à 40 km/h pendant 30 minutes et sont munis d’un GPS et d’une caméra haute définition. Le drone ressemble de très près à un véritable oiseau avec 90 % de mouvements similaires. L’objectif final de ces tests vise à créer une nouvelle génération de drones d’apparence animale. Le marché mondial des animaux bioniques est déjà estimé à 1,54 Md $.

Dans les lieux publics chinois, un visage est immédiatement identifié par « l’Œil céleste », le bien nommé système de reconnaissance faciale. D’ici 2020, le gouvernement prévoit sur le territoire 570 millions voire 626 millions de caméras dotées d’un système identifiant en temps réel un modèle de voiture, d’habit, de sexe et d’âge d’un individu. La carte d’identité fait le lien avec le visage de l’individu filmé, avec sa voiture, en suivant ses mouvements sur plusieurs jours, en enregistrant les personnes avec qui il est entré en contact, etc. S’il s’agit d’un criminel recherché, une alarme est déclenchée et toutes les données du belligérant en question sont visibles. Aux dernières nouvelles, le pays était équipé de 176 millions de caméras de surveillance (42 % du marché mondial), soit un des réseaux les plus conséquents et sophistiqués de la planète. Un exemple de son efficacité : en seulement sept minutes, le réseau de surveillance de Guiyang, dans la province du Ghizhou, a permis de retrouver un individu recherché sur la base d’une simple photo.

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