Sommaire
Le complexe militaro-industriel français
En plus de son soutien opérationnel au sol, la France participe massivement à l’effort de guerre de la coalition atlanto-wahhabite en fournissant ses technologies militaires.
Si les armes servent toujours à tuer, ce ne sont pas les bons sentiments qui vont contenir l’industrie de l’armement dans un monde régi par la rémunération du capital. Nos propos ne vont donc pas consister à remettre en question la commercialisation de ces armements à haute valeur ajoutée, mais de ne plus participer aux guerres illégales qui lui sont liées. Pour qu’elle soit efficace, la critique de l’industrie de l’armement doit se concentrer sur la question de l’alignement systématique de notre politique étrangère sur des pays tiers : si cela doit se faire pour vendre nos armes dans le cadre d’un conflit illégal, alors la limite doit être fixée ici.
Sachant que les contrats d’armement comprennent souvent des services divers et un accompagnement technique (pièces détachées, formation, modernisation du matériel, maintenance, conseil, sécurisation de zones, etc.), cette position consiste à composer entre l’intérêt économique et l’éthique de la guerre. L’absence de soutien diplomatique dans ce genre de conflit suffirait en soi à mettre la pression sur nos clients vu le poids de la France. En échange, les concessions devront se faire ailleurs ; là est le rôle de la diplomatie, car avec des pays tels que l’Arabie Saoudite il y aura toujours des dissensions éthiques et morales avec notre position officielle de démocratie des droits de l’Homme. Vu qu’énormément d’armements ont été vendus en amont du conflit, la problématique réside donc dans le moyen de rendre caduc les futurs contrats de ventes d’armes et les services associés une fois les fautes et l’illégalité de l’autre partie établies dans un conflit.
La politique française d’exportation d’armement est déjà soumise à un contrôle interministériel strict, mais insuffisant : « Les demandes de licences sont ainsi enregistrées par la Direction générale de l’armement, instruites par les ministères de l’Europe et des affaires étrangères, des Armées, de l’Economie et des Finances, puis par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN). À l’issue d’une réunion plénière de la commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG), l’octroi de la licence est indiqué par la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) ». En fin de processus, le Premier ministre entérine la validation finale. Le contrôle parlementaire sur les ventes d’armes est donc inexistant, contrairement au Congrès américain par exemple qui doit être (en théorie) consulté à ce sujet. En France, aucune commission d’enquête sur les ventes d’armes au Yémen n’est possible à cause des enjeux économiques et diplomatiques importants selon l’ancien député LREM de Haute-Garonne, Sébastien Nadot. La Commission des Affaires étrangères a privilégié une « mission d’information parlementaire » avec moins de pouvoir pour permettre plus de contrôle sans remettre en question les ventes du complexe militaro-industriel français. À l’avenir, formuler des contrats d’armement avec une clause de clôture en cas de manquement au droit humanitaire international et permettre au Parlement voire aux citoyens de mettre un véto dans ce genre de situation pourraient être des solutions viables.
La France garde le droit de vendre des armes dans un objectif défensif, même si les acheteurs décident de les utiliser par la suite dans un but offensif. Voyez la subtilité. Elle a signé la Position commune de l’Union européenne (2008) et le Traité international sur le commerce des armes (2014), mais sans transposer ces traités dans son droit national, ce qui ne donne pas la possibilité à un citoyen français ou yéménite de poursuivre la France devant un tribunal pour avoir violé ses engagements internationaux. Le risque juridique reste néanmoins présent, car l’assistance d’entreprises françaises aux militaires saoudiens et émiratis peut être constitutive de complicité de crime de guerre dans le cas où le matériel est utilisé sur des civils. Officiellement, le discours gouvernemental consiste à soutenir qu’il est difficile de prouver formellement que des civils yéménites aient été tués par des armes françaises, alors que le rôle de la Commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG) est justement d’étudier « la situation intérieure du pays de destination finale et de ses pratiques en matière de respect des droits de l’homme ».

Dès avril 2018, l’Observatoire des armements alertait qu’une quinzaine de références d’armes françaises pourraient être impliquées dans la guerre au Yémen. Il s’agit d’armement exporté dans les années 1990, comme les chars Leclerc ou encore des Mirages 2000 vendus avant le début du conflit. S’appuyant sur un rapport de 15 pages (25/09/18, classé confidentiel Défense) de la Direction du renseignement militaire (DRM), Disclose a creusé la piste et a révélé que des armes françaises vendues à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis sont bien présentes sur terre, sur mer et dans les airs du Yémen. Le renseignement français a établi que « Riad conduit depuis mars 2015 une campagne de frappes aériennes massives et continues » ; la coalition aurait procédé à 24 000 bombardements entre 2015 et 2018. Dans ces actions directes, l’Arabie saoudite a agi principalement par voie aérienne, les attaques les plus meurtrières de la coalition.
Une enquête collective de médias allemands et internationaux (publiée fin février) montre également que les armées saoudienne et émiratie utilisent les armements français au Yémen. Il s’agit d’obus-flèche, de Mirage 2000-9 (équipés de missiles guidés franco-britanniques Black Shaheen de MBDA, des missiles AASM de Safran et des systèmes pods Damoclès de ciblage et de reconnaissance de Thales), de radars Cobra, de blindés Aravis, de chars Leclerc (Nexter), d’hélicoptères Cougar et Dauphin (Airbus Helicopters), d’avion ravitailleur A330MRTT (Airbus), de frégates de classe Makkah (Naval Group), de corvettes lance-missiles de classe Baynunah (Constructions mécaniques de Normandie – CMN), de drones de renseignement militaire SDTI (SAGEM), d’aide satellitaire et d’armement numérique (Ercom), de blindés légers Renault Sherpa light et Vab Mark 3 (Renault Trucks Defense), d’intercepteurs rapides (Couach), de systèmes électroniques de navigation (SAFRAN), d’équipements essentiels à la logistique des tirs et de 1245 fusils de précision livrés à Riad depuis 2015 (selon les rapports au Parlement sur les exportations d’armes de 2016 et 2017). Selon le contrat d’exportation ARTIS signé en décembre 2018, pas moins de 147 canons Caesar (Nexter) doivent être encore livrés aux Saoud d’ici 2023. Entre 2019 et 2024, Nexter (détenue à 100 % par l’État) doit également envoyer des véhicules blindés Titus et des canons tractés 105LG, selon de nouveaux contrats Paris-Riad signés fin décembre 2018.
Le conflit yéménite a donc longtemps été minimisé pour ménager les précieux clients du complexe militaro-industriel français. Le marché européen de l’armement étant largement occupé par les États-Unis, en tout cas avant l’arrivée de Trump (merci à l’UE pour la « solidarité européenne »), l’industrie française de l’armement a fait du Moyen-Orient une zone privilégiée de son commerce. Le contexte est d’ailleurs de plus en plus favorable au vu du désengagement annoncé par l’administration américaine avec les principales puissances sunnites de la région (contrairement aux volontés de l’État profond). L’Arabie saoudite et les EAU font partie des plus gros clients des exportations d’armements lourds français. La monarchie saoudienne est par exemple le deuxième plus gros client de la France derrière l’Inde sur la période 2008-2017 en ce qui concerne l’achat d’armes. Selon le rapport annuel 2018 au Parlement sur les ventes d’armes, la France a vendu 11,1 Md € d’armements en dix ans à l’Arabie saoudite et 3,8 Md € aux Émirats arabes unis. Le Qatar, l’Arabie saoudite et les EAU ont fait partie en 2018, avec la Belgique, des quatre premiers clients de l’industrie de l’armement française : le Qatar a acheté des armements pour 2,5 Md€, l’Arabie Saoudite pour 1 Md € et les EAU pour 200 M€. La France a notamment octroyé des licences à l’Arabie Saoudite en pleine guerre pour la fourniture et l’entretien de matériel de guerre en 2016 (16 M€) et l’année suivante en livrant 1,3 Md€ d’armements.
Début juin 2019, le Ministère des Armées a publié le dernier rapport 2019 au Parlement sur les exportations d’armement de l’Hexagone. Les commandes des industries de défense françaises pèsent 9 Md€ à l’exportation en 2018 (+ 30 % par rapport à 2017), « un des meilleurs chiffres de ces vingt dernières années ». Les exportations d’armes françaises vers l’Arabie saoudite ont explosé peu avant et pendant le conflit. Le contrat Donas pour réarmer le Liban, conclu en novembre 2014 par l’Arabie saoudite (le financier), le Liban (le client) et la France (le vendeur), a été annulé par le royaume wahhabite et reconfiguré pour que sa propre armée puisse acquérir le matériel français destiné initialement au Liban pour un montant de 3 Md $.
Les détails précis de l’enquête de Disclose ont donné suite à une pression de l’exécutif français. Une plainte du Ministère des Armées a été déposée contre les journalistes du média en question, Geoffrey Livolsi, Mathias Destal, Michel Despratx, ainsi que contre Benoît Collombat de Radio France qui a publié cette enquête avec quatre autres partenaires (Arte Info, Konbini, Mediapart et The Intercept). Ils ont été convoqués par la DGSI fin mai 2019 pour « compromission du secret de la défense nationale », un délit qui peut être puni de cinq ans de prison et de 75 000 € d’amendes. Alors que huit journalistes ont depuis été convoqués par la DGSI, la presstituée et les commentateurs s’offusquent : comment ces braves gens peuvent-ils être convoqués par la police politique et ainsi être relégués au rang d’un vulgaire Panamza ou Alain Soral ? Et oui, il faut soit dénoncer les abus de pouvoir dans les deux sens soit se faire à l’idée de rester dans le rang toujours plus étroit de la liberté de la presse et d’expression, sans chouiner.
Depuis ces convocations, tout soupçon concernant l’armement français est monté en épingle contre l’État par les médias et des ONG comme Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT) et Action Sécurité Ethique Républicaines (ACER). On a eu le cas d’un navire saoudien stationné au Havre accusé de charger « huit canons de type Caesar » : la cargaison a été reconnue par le gouvernement sans qu’il précise ni nature de l’armement ni sa destination, mais en affirmant qu’« aucune livraison de Caesar [n’est] en cours ». Une autre accusation a été portée sur des armes chargées dans un navire à Marseille à destination de l’Arabie Saoudite ; la Sosersid (société de dockers), Siemens et un représentant en France de l’armateur du cargo saoudien ont indiqué qu’il s’agissait de transformateurs électriques sur châssis et non d’armement. Mais Jupiter Ier n’a pas pu s’empêcher un excès de zèle en annonçant « assumer la vente d’armes françaises à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis », car elles ne sont pas utilisées contre des civils…
La fameuse phrase du ministre des Armées Florence Parly « je n’ai pas connaissance du fait que des armes [françaises] soient utilisées directement au Yémen » restera dans les annales du conflit, à l’instar du « bon boulot » d’al-Qaïda en Syrie, prononcé par Laurent Fabius, ancien ministre français des Affaires étrangères.

Le complexe militaro-industriel international
La France n’est pas l’unique pays à équiper la coalition et, de ce fait, à être dans une probable illégalité juridique.
Selon Haaretz, Israël a vendu des bombes et des missiles à l’Arabie saoudite pour sa guerre au Yémen, dont certains sont interdits par le droit international. La Grande-Bretagne a également fourni aux Saoudiens des avions militaires Typhoon, ainsi qu’un approvisionnement en munitions, en formation et en soutien technique pour maintenir ces avions opérationnels dans son ancienne colonie du Yémen. Une croissance de 11 % des contrats au cours des trois premiers mois de 2015 a été générée et 30 % du total des exportations d’avions, de missiles et de bombes britanniques ont été acheminés vers l’allié saoudien (un record). Les ONG Human Rights Watch et Amnesty International ont d’ailleurs signalé l’utilisation de bombes à sous-munitions « made in Great Britain » sur des objectifs civils, notamment des exploitations agricoles au nord du pays, alors qu’elles sont interdites par le droit international. Le 16 février 2019, le Parlement britannique a publié un rapport qui présente toutes exportations d’armes vers l’Arabie saoudite comme probablement illégales, car elles violeraient des conventions internationales comme le Traité international sur le commerce des armes (2014). Le 20 juin suivant, le pays a annoncé ne plus signer de nouveaux contrats d’armement, pour un temps, avec l’Arabie saoudite.
À la frontière yéménite, des journalistes de GermanArms ont pu constater qu’un avion Eurofighter appartenant aux Saoudiens avait été ravitaillé par voie aérienne par un Airbus A330 MRTT. L’Eurofighter est notamment fabriqué par le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Espagne, qui sont de gros fournisseurs de l’Arabie saoudite. Des éléments de l’industrie de l’armement allemande ont aussi été relevés au Yémen. Deux véhicules équipés d’un blindage similaire à celui produit par la société Dynamit Nobel AG ont été aperçus sur le terrain yéménite, de même qu’un navire de guerre émirati de la classe Frankenthal construit en Allemagne. D’autres navires de facture allemande pourraient être localisés à Assab (Érythrée), base d’opérations des EAU (cf. Partie 1). Des véhicules de l’armée émiratie sont équipés de stations d’armes dites Fewas de l’allemand Dynamit Nobel Defence et le système de protection Clara de cette même entreprise a été identifié sur un char de combat français Leclerc. Les châssis Unimog-Daimler (Mercedes-Benz) équipent également les Caesar français ce qui amène à une dissension franco-allemande sur le dossier yéménite.
Effectivement, l’Allemagne a décidé de manière unilatérale en octobre 2018 de refuser toute future licence d’exportation d’armes à l’Arabie saoudite après le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi. Airbus a riposté fin février 2019 en annonçant revoir la conception de son avion de transport militaire C295 afin de se passer des composants allemands (4 % des pièces de l’appareil), car l’accord des deux gouvernements est nécessaire pour l’export. La voix de la Turquie du 15 avril 2019 a rapporté que l’Allemagne a ensuite décidé de lâcher un peu du lest et reprendre la vente de matériels et technologies d’armes vers l’Arabie saoudite et les EAU, mais pas avant septembre prochain. Pour accélérer le dossier, la Macronie pousse également l’Allemagne à reprendre ces exportations et Airbus a carrément exprimé son souhait en mai 2019 de faire un recours devant un tribunal pour mettre la pression au pays d’Angela. À noter que si le Deutschland a imposé un embargo sur les armes vers l’Arabie saoudite durant un temps, Berlin a subtilement évité d’imposer une interdiction formelle d’exportations d’armes vers les Émirats arabes unis. Le système de radar Cobra, coproduit par la France et l’Allemagne, a notamment eu l’autorisation d’export par le Conseil de sécurité nationale allemand vers les Émirats arabes unis en avril dernier.
Aux États-Unis, le Congrès américain a approuvé une résolution le 4 avril 2019 pour que le pays cesse son soutien à la coalition saoudienne au Yémen, sauf pour les opérations contre al-Qaïda et consorts. Un Congrès pacifiste, une première historique ? Il s’agit en réalité de fragiliser les initiatives du Donald, qui a d’ailleurs mis son véto les jours suivants. Le Congrès n’avait pas utilisé la loi limitant les pouvoirs militaires d’un président américain (War Powers Resolution, 1973) depuis 45 ans, pourtant il y en a eu des guerres illégales depuis… Dans le même temps, l’Agence américaine pour la coopération en matière de défense et de sécurité (DSCA) a fait savoir que le Département d’État a donné le feu vert au Congrès pour la vente de missiles aux EAU et à Bahreïn pour un montant de 5 958 Md $. Ce projet comprend 36 missiles Patriot MIM-104E, 32 missiles AIM-9X, 20 missiles AGM-84 Block II Harpoon, et 100 missiles GBU-39. En mai dernier, les États-Unis vendaient déjà 2,4 Md $ de missiles THAAD à l’Arabie saoudite (La voix de la Turquie, 04/05/19). Le Département d’État a aussi validé la vente d’une série d’équipements militaires supplémentaires aux EAU pour environ 1,2 Md $ : il s’agit de 20 000 roquettes air-sol de 70 mm à guidage laser dit APKWS (Advanced Precision Kill Weapon System) qui équiperont les hélicoptères émiratis, de missiles antichars Javelin et de petits drones tactiques RQ-21A Blackjack. Mais l’administration Trump voulant passer outre le Congrès, se voit freinée par le Sénat qui a approuvé fin juin 2019 le blocage de 22 projets de vente d’armes (8,1 Md $) à l’Arabie saoudite, les EAU et à la Jordanie.
En connaissance de cause et malgré le désastre humanitaire, la majorité des armements du complexe militaro-industriel français et international a été fournie en aval de son déclenchement par la coalition. Selon les estimations, un total d’environ 280 Md $ a été consacré en dépenses militaires depuis le début du conflit.

La guerre économique pour étouffer le Yémen
En plus de la guerre réelle, quoi de mieux qu’une bonne vieille strangulation économique pour accroitre le chaos au Yémen. La crise humanitaire, l’augmentation du prix des denrées alimentaires de base et l’effondrement de la devise officielle du pays (le riyal yéménite) de deux tiers depuis 2015, dont une chute majeure en août 2018, ont accru sensiblement la précarité de la population. En conséquence, les Yéménites disposant de ressources se sont tournés vers la conversion de leur devise en dollar ou en or, créant ainsi une fuite de capitaux du pays.
La crise économique et les risques monétaires ont de multiples causes. Nombre de Yéménites hésitent aujourd’hui à confier leur argent aux banques locales, tandis que les entreprises ont des difficultés à obtenir des lettres de crédit nécessaires aux importations dont dépend fortement le pays. C’est une directive de la Banque centrale du Yémen qui en est à l’origine : elle contraint les commerçants à effectuer leurs transactions en espèces uniquement, ce qui a participé à la baisse majeure des importations achetées en dollars.
En septembre 2016, le siège de cette banque centrale du pays a été transféré de Sanaa vers Aden, capitale de facto du président Abdrabbo Mansour Hadi. Ce mouvement était nécessaire pour ne pas laisser les Houthis détenir cette institution stratégique. En effet, depuis la prise de Sanaa (capitale du Yémen) en septembre 2014, la rébellion a progressivement pris le contrôle des institutions étatiques pour créer un système parallèle au gouvernement officiel (Diplomatie n° 98, mai-juin 2019, p.42). Ces dissidents sont notamment accusés d’empêcher les commerçants et les banques d’ouvrir des lignes de crédit à Aden, d’avoir pillé une quantité des réserves de la Banque centrale du Yémen (une évidence démentie par les Houthis) et d’avoir refusé que celle-ci paye les salaires des fonctionnaires à Aden. Bref, la guerre économique est en cours entre Houthis (Sanaa) et Hadi et ses soutiens internationaux (Aden).
Pour la coalition, le transfert de la Banque à Aden visait à reprendre le contrôle politique et économique du Yémen, mais le procédé s’avéra délétère. Martin Griffiths, envoyé spécial de l’ONU pour le Yémen, juge par exemple que l’affaiblissement de la banque centrale est un des facteurs de la famine au Yémen. Des dizaines de milliers de Yéménites sont descendus dans les rues de Sanaa pour protester contre « la guerre économique lancée contre leur pays » par la coalition atlanto-wahhabite. Avec l’effondrement du riyal yéménite, les autorités ont entrepris de stabiliser la monnaie en demandant l’assistance de banques et d’institutions financières privées.
Alors que l’inflation du pays croît, une injection de 3 Md $ du Koweït et des Émirats arabes unis est attendue, en plus des 2,2 Md $ promis par Riad qui n’a toujours pas envoyé les fonds (seuls 200 M$ ont été perçus début octobre 2018). De toute façon, de nouveaux billets de banque ont déjà été reçus de Riad via des imprimeurs russes, mais la Banque centrale du Yémen ne peut en garantir la valeur faute de réserves de change nécessaires. En cas de krach monétaire, les marges de manœuvre seront donc très limitées pour protéger le pays : ses réserves de devises sont faibles, l’embargo fait plonger l’économie et la banque centrale sous tutelle étrangère a du mal à fonctionner correctement. De plus, la cessation des exportations de pétrole et le ciblage de positions militaires et de sites économiques « utilisés à des fins militaires » ont également accentué le phénomène ; la coalition a bombardé 14 375 structures civiles« tel
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