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Qu’est-ce que l’OTAN : gage de paix ou source de tensions ?

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OTAN- Réunion 2024-Washington
OTAN- photo de famille-Londres-4 décembre 2019-70e anniversaire
Photo de famille de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) avec les autres membres de l’OTAN mercredi 4 décembre 2019, lors du 70e anniversaire de l’OTAN à Watford, dans le Hertfordshire, à l’extérieur de Londres. (Photo officielle de la Maison Blanche par Shealah Craighead)

Histoire et origines de l’OTAN

Création de l’OTAN en 1949 : le contexte de la Guerre froide

L’OTAN a vu le jour dans un contexte de Guerre froide, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Les États-Unis, inquiets de l’expansion du communisme en Europe de l’Est, ont alors rassemblé 12 pays pour former une alliance militaire défensive contre l’Union soviétique. Son objectif initial était clair : la défense collective des nations membres contre toute agression extérieure. L’article 5 du Traité de Washington, qui fonde l’OTAN, stipule qu’une attaque contre un membre est une attaque contre tous.

L’alliance est également fondée sur des principes démocratiques, où les pays membres s’engagent à respecter la souveraineté de chaque nation tout en défendant la liberté de leurs peuples. L’OTAN était donc, à ses débuts, essentiellement une réponse à la menace perçue du bloc de l’Est.

Objectifs initiaux de l’OTAN et évolution vers une politique interventionniste

À l’origine, l’OTAN avait pour mission de dissuader une attaque soviétique contre l’Europe occidentale.

Cependant, après la chute du mur de Berlin et la dissolution de l’Union soviétique, l’OTAN a redéfini son rôle, passant d’une simple défense de ses membres à des opérations interventionnistes en dehors de ses frontières.

Ce changement de cap, symbolisé par des missions en Bosnie, au Kosovo et en Afghanistan, a suscité des critiques sur la véritable nature de l’alliance, certains y voyant une machine de guerre américaine sous couvert de protection démocratique.

OTAN-Conférence à Paris en mai 1955
Admission de la RFA dans la communauté de l’OTAN
Conférence à Paris en mai 1955.

Pays membres et direction de l’OTAN

Pays fondateurs et adhésions récentes

L’OTAN comptait à l’origine 12 membres fondateurs, parmi lesquels les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni, la France, et d’autres pays européens.

Avec l’effondrement du bloc soviétique, l’Alliance s’est rapidement étendue vers l’Est, intégrant des pays qui faisaient autrefois partie du Pacte de Varsovie, une alliance militaire dirigée par l’URSS. Des pays comme la Pologne, la Hongrie et la République tchèque ont rejoint l’OTAN dans les années 1990.

Cette politique d’expansion est l’une des critiques majeures formulées par la Russie, qui considère cet élargissement comme une menace directe à sa sécurité.

Au fil des décennies, avec l’adhésion de nouveaux membres comme la Suède et la Finlande en 2023, les tensions avec Moscou se sont intensifiées, alimentant le conflit en Ukraine.

OTAN-Pays Membres

Rôle de l’OTAN dans les conflits

Interventions majeures : des Balkans à l’Afghanistan

L’OTAN, à l’origine conçue pour défendre ses membres, est progressivement devenue une organisation capable d’intervenir militairement dans des conflits extérieurs à ses frontières géographiques. Deux interventions majeures illustrent cette évolution : les Balkans et l’Afghanistan.

Les Balkans (Kosovo, 1999)

L’intervention de l’OTAN au Kosovo en 1999 a été justifiée par la nécessité d’arrêter les violences ethniques entre Serbes et Albanais.

L’Alliance a mené une campagne de bombardements contre les forces serbes sans le soutien d’un mandat de l’ONU, ce qui a soulevé des critiques sur la légitimité de l’opération. Bien que l’OTAN ait réussi à imposer la paix, l’intervention a laissé des tensions persistantes dans la région.

La Russie, alliée traditionnelle de la Serbie, a dénoncé cette intervention comme une violation flagrante de la souveraineté serbe.

L’Afghanistan (2001-2021)

En réponse aux attentats du 11 septembre 2001, l’OTAN a déclenché sa première opération militaire majeure en dehors de l’Europe, en Afghanistan.

L’objectif était de chasser les talibans du pouvoir et d’empêcher Al-Qaïda d’utiliser le pays comme base arrière pour mener des attaques terroristes. Après vingt ans de guerre, l’intervention a été largement critiquée pour ses échecs en termes de stabilisation à long terme.

Le retrait en 2021, qui a conduit à la reprise du pouvoir par les talibans, a laissé le pays dans un état de chaos.

OTAN-troupes allemandes de la KFOR-1999
Les troupes allemandes de la KFOR patrouillent dans le sud du Kosovo à l’été 1999.

Critiques et controverses liées aux opérations militaires

Les interventions militaires de l’OTAN, bien qu’ayant eu des succès tactiques, ont eu des conséquences imprévues.

Dans le cas du Kosovo, bien que l’intervention ait mis fin aux violences ethniques, elle a laissé une situation géopolitique tendue.

En Afghanistan, l’échec à établir une paix durable et le retour des talibans au pouvoir ont remis en question la stratégie globale de l’OTAN, certains accusant l’alliance d’avoir exacerbé les conflits plutôt que de les résoudre.

La politique d’expansion à l’Est : la Russie cernée par les bases militaires

Après la chute de l’Union soviétique en 1991, l’OTAN, à l’origine créée pour contrer la menace soviétique, a redéfini son rôle. En intégrant progressivement les pays d’Europe de l’Est, anciens membres du Pacte de Varsovie, l’OTAN a cherché à consolider la sécurité européenne.

Cet élargissement a débuté avec l’adhésion de la Pologne, de la République tchèque et de la Hongrie en 1999, et s’est poursuivi avec les États baltes (Estonie, Lettonie et Lituanie) en 2004.

Ce processus a été considéré par ces nouveaux membres comme une garantie contre un éventuel retour de l’influence russe, mais il a été vécu par Moscou comme une trahison des assurances données par l’Occident dans les années 1990.

En effet, bien que ces garanties n’aient jamais été formalisées par un traité, les responsables russes ont toujours affirmé que l’OTAN s’était engagée à ne pas s’étendre vers l’Est après la réunification de l’Allemagne. Ainsi, pour la Russie, cet élargissement a constitué une menace directe à sa sécurité nationale.

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Carte de l’élargissement historique de l’OTAN en Europe.

Les bases militaires de l’OTAN se sont rapprochées des frontières russes, en particulier avec l’installation de systèmes de défense antimissile en Pologne et en Roumanie, considérées par Moscou comme une tentative d’affaiblir son arsenal nucléaire.

De plus, la perspective d’adhésions supplémentaires, notamment de la Géorgie et de l’Ukraine, a exacerbé les tensions. En 2008, lors du sommet de Bucarest, les dirigeants de l’OTAN ont confirmé que ces deux pays finiraient par rejoindre l’alliance.

Cette déclaration a été reçue comme une provocation par la Russie, conduisant à l’intervention militaire russe en Géorgie la même année. Ce conflit a marqué le début d’une nouvelle ère de confrontation entre Moscou et l’OTAN.

Par ailleurs, les nouvelles bases de l’OTAN en Europe de l’Est, accompagnées de manœuvres militaires régulières, ont renforcé le sentiment d’encerclement de la Russie.

Ces exercices, comme ceux réalisés dans le cadre de l’opération « Defender Europe » en 2020, impliquant des milliers de soldats de l’OTAN à proximité des frontières russes, sont régulièrement dénoncés par Moscou comme des provocations militaires.

Le conflit Russie-Ukraine : un point de non-retour dans les relations avec l’OTAN

L’EuroMaïdan : début des tensions entre l’Ukraine, la Russie et l’Occident

L’EuroMaïdan a été un tournant dans la relation entre l’Ukraine et la Russie. Ce soulèvement populaire, qui a commencé en novembre 2013 à Kiev, a été déclenché par la décision du président ukrainien Viktor Ianoukovytch de suspendre l’accord d’association avec l’Union européenne, sous la pression de la Russie.

Cette décision a été perçue par une grande partie de la population ukrainienne comme une trahison de leur désir d’intégration à l’Occident, ce qui a conduit à des manifestations de grande ampleur.

Les manifestations de l’EuroMaïdan se sont transformées en un mouvement révolutionnaire qui a abouti à la fuite de Ianoukovytch en février 2014 et à la formation d’un nouveau gouvernement pro-occidental.

OTAN- Manifestations Euromaïdan-Kiev-2013
Manifestations, le 1er décembre 2013, dans les rues de Kyïv.

Ce tournant politique a profondément inquiété la Russie, qui considère l’Ukraine comme faisant partie de sa sphère d’influence historique. La crainte de voir l’Ukraine se rapprocher de l’OTAN et de l’Union européenne a conduit à l’annexion de la Crimée par la Russie en mars 2014, suivie par un soutien militaire aux séparatistes pro-russes dans l’est de l’Ukraine.

Les séparatistes, soutenus par Moscou, ont proclamé des républiques autoproclamées dans les régions de Donetsk et Louhansk.

En parallèle, l’OTAN a intensifié son soutien militaire à l’Ukraine par le biais de formations et de livraisons d’équipements, tout en évitant une confrontation directe avec la Russie. Ce soutien, bien que limité à l’époque, a jeté les bases des relations militaires étroites qui se sont développées depuis le lancement de l’opération militaire spéciale russe de 2022.

L’EuroMaïdan a donc été l’élément déclencheur d’une confrontation géopolitique plus large entre la Russie et l’Occident. L’implication indirecte de l’OTAN dans ce conflit, à travers son soutien à l’Ukraine, a contribué à cristalliser les tensions et à pousser la Russie à adopter une posture plus agressive vis-à-vis de ses voisins.

L’invasion de 2022 et la réponse de l’OTAN

Le conflit russo-ukrainien a atteint son paroxysme en février 2022, lorsque la Russie a lancé une l’opération militaire spéciale sur l’Ukraine, justifiée par Vladimir Poutine par plusieurs arguments, dont la nécessité de « démilitariser » et de « dénazifier » l’Ukraine.

Ces termes font notamment référence à la présence de groupes paramilitaires tels que le bataillon Azov, accusé d’idéologies néonazies et d’exactions contre les populations russophones dans l’est de l’Ukraine.

Des journalistes comme Anne-Laure Bonnel et Régis Le Sommier ont documenté ces persécutions, soulignant la situation humanitaire dramatique dans le Donbass dès avant 2014. Ces témoignages viennent renforcer l’argument selon lequel il s’agissait de protéger les populations russophones.

Les motivations de l’invasion incluent également des objectifs géopolitiques plus larges, comme le blocage de l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN et la protection des intérêts russes dans la région.

L’OTAN, bien que ne souhaitant pas intervenir directement pour éviter un conflit ouvert avec la Russie, a renforcé son soutien militaire à l’Ukraine. Des milliers de missiles antichars, de drones et de systèmes de défense ont été fournis à Kiev pour freiner l’avancée russe. De plus, plusieurs États membres de l’OTAN, comme les États-Unis, le Royaume-Uni et la Pologne, ont accru leurs livraisons d’armes et leurs entraînements pour les soldats ukrainiens.

Ainsi, le conflit s’inscrit dans un contexte plus vaste d’opposition entre la Russie et l’Occident, exacerbé par des années d’expansion de l’OTAN vers l’Est et le soutien militaire occidental à l’Ukraine.

Cette guerre a provoqué une rupture diplomatique entre Moscou et l’Occident, tout en accentuant les risques d’une confrontation directe entre l’OTAN et la Russie. Certains analystes craignent que les erreurs de calculs stratégiques ou les provocations involontaires ne conduisent à une escalade nucléaire.

Ce conflit a également renforcé la détermination de plusieurs pays européens, comme la Finlande et la Suède, à rejoindre l’OTAN, ce qui a encore plus isolé la Russie sur la scène internationale.

OTAN-Russie-Ukraine-États-Unis-Vladimir Poutine-Joseph Biden-2021
Rencontre entre le président russe Vladimir Poutine et le président américain Joseph Biden (par vidéoconférence)-
7 décembre 2021.

La légitimité actuelle de l’OTAN dans le conflit russo-ukrainien

L’OTAN fait face à un défi majeur en ce qui concerne sa légitimité dans le contexte du conflit en Ukraine. D’un côté, l’Alliance est perçue par ses membres comme un garant de la sécurité européenne et un bouclier contre l’agression russe.

De l’autre, la Russie accuse l’OTAN d’être l’instigatrice des tensions, notamment à travers son expansion continue vers l’Est et son soutien militaire à des pays non membres comme l’Ukraine.

Alors que l’OTAN continue de fournir de l’aide à l’Ukraine, les critiques sur son rôle interventionniste grandissent. Certains observateurs estiment que l’OTAN a joué un rôle indirect dans le déclenchement du conflit en provoquant la Russie, notamment avec les promesses d’adhésion de l’Ukraine.

Quel avenir pour l’OTAN ?

Avec plus de 70 ans d’existence, l’OTAN continue de jouer un rôle central dans la sécurité mondiale, mais ses objectifs initiaux semblent s’éloigner de ses pratiques actuelles.

Son élargissement à l’Est et ses interventions militaires controversées dans des pays souverains ont suscité des débats sur sa légitimité.

Alors que les tensions avec la Russie continuent de croître, notamment en Ukraine, l’OTAN devra réévaluer son rôle dans le monde multipolaire émergent et déterminer si elle peut encore remplir sa mission de défense collective sans devenir un facteur de déstabilisation globale.

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